Allocutions et interventions

CLÔTURE DU CINQUIÈME CONGRÈS DU PARTI COMMUNISTE DE CUBA, TENUE AU PALAIS DES CONGRÈS, LE 10 OCTOBRE 1997

Date: 

10/10/1997

Chers compañeras et compañeros,

Un discours de plus ! Mais ce sera heureusement le dernier du Congrès (rires). De toute façon, si j'ai parlé à l'ouverture presque sept heures d'affilée – et le pire, sans me rendre compte que les heures passaient et grâce à votre patience infinie – je serai cette fois-ci le plus bref possible.

Il est difficile d'ailleurs de dire maintenant quelque chose qui n'ait pas été dit tout au long des préparatifs de ce Congrès et durant celui-ci, ou qui n'apparaisse pas dans les différentes conclusions, d'autant plus que nous avons eu trois jours de travail extrêmement intense pour tous, sans guère de repos, non pas du travail physique, mais du travail mental, de travail émotif, et ça use les énergies et il faut en tenir compte.

Comme vous le voyez, nous avons discuté tout ce que nous avons pu. Nous avons bien gagné notre salaire, vraiment, sans stimulants matériels (rires), mais avec beaucoup, avec énormément de stimulants moraux (applaudissements), et nous avons travaillé plus de quatre heures, et peut-être même bien plus de huit. Rien que le premier jour, avec le premier discours, ça a presque fait une journée complète, et il faut qu'il en soit de même avec le travail en général.

Il a été fécond. On apprend beaucoup en général dans tous les congrès, mais en particulier à un congrès du parti, et pas précisément pendant les trois jours qu'il dure, mais pendant les mois et les mois que dure sa préparation, durant la quantité de réunions, d'assemblées, d'analyses et d'études qui se font.

On a travaillé dur, très dur, à ce Congrès, et avant la réunion dans ce Palais des congrès. Et nous ne sommes pas les seuls à avoir appris : le peuple a aussi beaucoup appris, car il a participé à la discussion du document politique fondamental et a reçu de nombreuses informations par tous les médias disponibles.

D'ailleurs, pendant le Congrès, on se sent toujours insatisfait devant l'immense trésor de connaissances et d'expériences qui reste inconnu, parce qu'il est matériellement impossible de donner la parole à tous les compañeros qui souhaitent la prendre et qui ont sans aucun doute beaucoup à dire et à nous apprendre sur un tas de questions.

Il est tragique de voir le temps filer à toute allure et les demandes de prise de parole s'accumuler. On ne peut que penser aux compañeros qui voulaient dire quelque chose et qui n'ont pas pu le dire ici, même s'ils l'ont dit à un autre moment des préparatifs.

Et que de choses magnifiques, que d'exemples les compañeros qui ont pris la parole ont été capables de nous transmettre ! Quelle profonde impression ont causé bien des interventions ! Ç'a vraiment été un privilège de les écouter.

J'ai été impressionné par ce qu'ont dit ceux qui ont pris la parole pour la première fois. Et jusqu'à la fin. Comme ce compañero qui nous a expliqué le travail des entreprises du ministère des Forces armées révolutionnaires (MINFAR). Quelle précision, quelle sûreté, quelle clarté ! En quelques minutes, il nous a dit des choses vraiment stimulantes, des choses qui ont une valeur économique et une valeur politique pour nous directement, mais qui ont aussi une valeur idéologique universelle, et plus que jamais, parce que ce que vous dites vaut non seulement par son contenu, mais encore par le moment où vous le dites. Le socialisme et les idées révolutionnaires ont besoin de ce genre d'apport, aujourd'hui plus que jamais.

D'autres ont parlé, comme ce même compañero de l'entreprise agrumicole. Ce n'est pas seulement ce qu'il faisait et disait qui m'a surpris, mais encore sa façon correcte de s'exprimer, sa clarté. Comme il maîtrise son sujet, comme il démontre ce qui peut se faire !

Et ainsi à l'avenant. Cent de plus, ou deux cents, ou trois cents, qui sait combien d'autres pourraient nous dire ce que nous ont dit bien des compañeros ? Celui de Guantánamo qui a renoncé à son poste d'inspecteur du travail pour travailler directement dans la production. Non que les inspecteurs du travail ne travaillent pas, et il en faut, mais ce qu'il y a d'admirable, c'est que quelqu'un qui a atteint par ses études ou par le recyclage un emploi de ce genre parte dans les montagnes lutter dans des conditions dures et difficiles. Ou la compañera de la coopérative de crédits et services : tout le monde parle de cette excellente militante qui nous a raconté ses expériences, et même familiales, de travail dans le parti. Et vous avez sûrement eu la même envie que moi : savoir ce qu'il est arrivé au mari après qu'elle a demandé que la cellule l'écarte de ses responsabilités et lui impose les sanctions correspondantes (rires). Mais elle est si intelligente qu'elle n'a pas attendu qu'on le lui demande, même si c'était une question difficile à poser : elle s'est chargée elle-même de nous dire qu'il n'y a eu aucun problème dans son foyer et qu'elle espère qu'il y en aura encore moins, qu'au contraire, on l'y reçoit avec encore plus d'admiration, sans parler des applaudissements qu'elle a déclenchés à ce congrès.

Oui, combien de choses n'avons-nous pas pu entendre, faute de temps ? Mais aussi combien d'expériences avons-nous accumulées ? Si nous sommes capables de bien les utiliser, que ne pourrions-nous pas faire ? Cela vaut beaucoup. Oui, il nous manque du pétrole, il nous manque des devises, il nous manque des tas de choses, mais ce qui s'est accumulé dans la tête de nos compatriotes et surtout de nos militants, à quoi peut-on le comparer, combien cela vaut-il ? Ça, vous ne pouvez aller acheter sur aucun marché, ça n'a pas de prix ! Et sur ce plan, nous sommes bel et bien millionnaires, nous avons plus d'argent que ces millionnaires dont j'ai parlé dont certains ont jusqu'à quarante milliards. Ce sont des connaissances pour rendre le peuple millionnaire. Nous luttons non pour créer des millionnaires individuels, mais pour convertir tous les citoyens en millionnaires. Et nous avons là un des instruments importants à utiliser.

Dans le monde, beaucoup de gens mettent leurs connaissances au service d'intérêts particuliers, personnels et privés, c'est la règle générale. Ici, ce qui s'accumule en connaissances et en expériences est au service du peuple.

Les biens matériels, nous les conquerrons de la même manière que nous avons conquis de très nombreux biens culturels, de la même manière que nous avons remporté de grandes conquêtes sociales, de la même manière que nous avons conquis beaucoup de droits pour tous, si nous nous fondons sur ces réalités que nous avons perçues ici, si nous nous fondons sur ces connaissances, si nous sommes capables de faire des choses comme celles qu'ils ont faites à Jagüey.

Bien entendu, ces choses-là, il aurait été important de les faire toujours, et aussi avant, quand on dépensait beaucoup de tout, des tracteurs, du carburant, des ressources et tout le reste, parce qu'on en disposait. Mais le plus important, c'est de le faire maintenant, et plus que jamais, quand toutes ces choses-là manquent.


 

Que ce serait bien si on faisait des choses comme celles que nous a expliquées ce jeune dirigeant d'une coopérative de Mabay, Ramoncito, dans toutes les coopératives et dans toute les unions de base de coopératives agricoles ! Si nous le faisions partout ! Nous sommes des hommes, autrement dit une espèce apte à penser, à avoir de la volonté, à agir. Nous ne sommes pas un troupeau d'êtres inconscients. Et c'est là notre pari : l'homme et la capacité de l'homme.

Le capitalisme est un système qui traite l'homme comme si c'était une espèce différente, comme si c'était un animal uniquement mu par l'égoïsme et l'instinct. Le socialisme mise sur l'homme capable de l'être, capable d'agir en homme, capable de faire des choses comme celles-là. Est-ce donc un rêve ? Est-ce donc impossible ? Pouvons-nous nous faire une idée si basse de l'espèce humaine que nous considérions comme impossible de faire ce que nous comprenons, ce que nous apprécions, ce que nous devons faire, ce que nous pouvons faire ?

Voilà pourquoi j'insistais sur l'expérience de certaines entreprises. Si seulement nous avions pu interroger bien plus de compañeros, pour avoir des expériences non seulement d'entreprises militaires, mais encore d'entreprises civiles : dans le nickel, par exemple, où on fait des progrès en matière d'organisation et de rationalisation, parce que ces expériences se sont étendues, et les compañeros, face à des tâches difficiles, ont recueilli les meilleures expériences et les ont retransmises.

Les travailleurs de nombreux centres de santé, de nombreuses écoles, de nombreux centres de production et de services et de bien des endroits, partout et toujours plus, travaillent en faisant preuve d'un grand dévouement et d'une grande efficacité, pouvons-nous dire, ou, du moins s'efforcent de devenir efficaces au milieu de difficultés de toutes sortes.

Quelle bonne phrase avons-nous entendu : chaque UBPC a besoin d'un costume sur mesure ! Parce qu'il faut tenir des différences de climats, des différences de sols, car, comme l'a dit Ramón [Castro] – je crois que c'est lui qui l'a dit – chaque canne exige sa terre et chaque terre exige sa canne.

On a beaucoup insisté auprès des instituts de recherche pour qu'ils mettent au point des variétés de canne et ils réalisent beaucoup de choses maintenant. Villa Clara en est un exemple. Le chercheurs de l'Université centrale de Las Villas sont en train de faire des choses extraordinaires dans cette recherche de nouvelles variétés résistantes aux déprédateurs et bonnes productrices, de graines, d'ananas, de fruits, mais en accordant toujours la priorité aux plus importantes.

Avant, on ne travaillait que par des croisements; maintenant, on travaille par des méthodes biologiques de génie génétique, et on commence à tirer des plants d'une cellule. Nous avons des usines de plants in vitro dont la fonction est de produire et de répandre de nouvelles plantes et des qualités nouvelles, depuis la pomme de terre jusqu'à la canne à sucre. Ces centres font de grands efforts en faveur de notre pays qui possède aujourd'hui les ressources scientifiques requises et ils les utilisent.

Dans la canne, il y a eu vraiment une période d'oubli, associé au coup initial [la disparition du camp socialiste], un oubli des banques de semences, par exemple. Et même avant ce coup, il y a eu des époques où l'on a négligé les recherches concernant de nouvelles variétés de canne. Il nous faut travailler avec celles que nous créons peu à peu et avec celles que d'autres pays ont mises au point, en les faisant passer d'abord par la quarantaine et en les soumettant à tous les essais requis. Il faut travailler avec des milliers et des milliers de plantes différentes, des dizaines de milliers, pour chercher celles qui donnent du bon sucre, qui résistent à toutes les maladies, qui peuvent résister à la sécheresse, etc.


 

L'une des ressources de l'homme pour faire faire aux déprédateurs naturels et aux guerres biologiques, c'est la recherche de variétés, et, dans ce domaine, la science moderne a déjà atteint des niveaux extraordinaires. Nous avons par exemple le clonage d'animaux, la possibilité future qu'une vache qui donne beaucoup de lait, comme Blanc Pis [une vache cubaine qui a battu des records de production dans les années 70], puisse être reproduite autant de fois qu'on veut. Avant, il fallait attendre beaucoup de temps en recourant aux croisements, à la génétique classique et aux hybrides, mais plus aujourd'hui : aujourd'hui, on travaille à partir de cellules à la recherche de nouvelles variétés et de nouveaux exemplaires de plantes et d'animaux pour produire même des médicaments.

On travaille aujourd'hui à la création d'animaux dont le lait contiendra plus de protéines, ou de tel médicament, de façon que des individus atteints de maladies données puissent avoir du lait qui possède telle ou telle chose contre la maladie en question, ou anticancérigène, par exemple, ou aidant à combattre des maladies infectieuses ou cardiaques. Tout ceci va de pair. Nous possédons un patrimoine scientifique et il y a eu une époque où on n'a pas beaucoup avancé. Mais il existe des méthodes nouvelles, très modernes, et il faut maintenant non seulement prêter plus d'attention à tout ceci, mais encore utiliser les techniques nouvelles.

Et ici nous pourrions parler d'un autre des avantages du socialisme : il peut mettre au point quelque chose et le diffuser, l'étendre rapidement, aussi vite qu'il le veut. Nous avons là des perspectives, et nous avons formé les intelligences et créé les centres qui peuvent travailler à tout ceci.

Bien entendu, nous ne devons pas penser aller de l'avant en n'utilisant que ce que nous pouvons créer nous-mêmes, nous le ferons aussi en recourant à ce que peut créer le reste du monde, parce que bien des gens travaillent dans ces domaines.

Nous travaillons et testons un vaccin contre le sida, mais bien des laboratoires, bien des pays de par le monde le font aussi. Surtout des pays développés, bien entendu. Mais dans ce domaine, nous sommes à leur niveau. Mais il faut toujours insister sur un point : si nous ne pouvons pas tout inventer, nous devons être du moins au courant de tout. Vous avez maintenant l'Internet, qui vous permet d'obtenir des informations de n'importe où dans le monde en quelques minutes. Un scientifique cubain peut chercher des informations aussi bien en Chine qu'au Japon ou ailleurs, et ça, personne ne peut y mettre un blocus. On ne peut nous bloquer l'accès aux connaissances.

Nous pouvons donc chercher la canne pour chaque terre et chaque terre pour la canne. Et je suis sûr que si nous appliquons les méthodes les plus correctes, que si nous employons les méthodes de gestion, de direction, d'administration, la technique, avec plus de pluies ou moins de pluies, il se peut que nous n'ayons pas à fermer une seule sucrerie. Il a été prouvé ici même comment une bonne administration, un emploi correct de bonnes méthodes peuvent permettre de faire des profits, même là où la canne ne donne guère plus de 42 tonnes à l'hectare. Je ne crois pas qu'il y ait un seul endroit de Cuba où, appliquant des techniques correctes et en travaillant bien, on ne puisse en produire 64 ou 68 tonnes. On pourrait dire que 85 tonnes à l'hectare serait presque la limite inférieure de la pire terre en veillant à une bonne structure des souches, etc. On a beaucoup discuté ici sur cette question. Nous disposons d'instruments pour ça.

Les problèmes climatiques s'aggravent, la chaleur augmente, c'est incontestable, la température s'élève, il faudra adapter de nombreuses plantes à ces températures. Nous devons avant tout nous adapter nous-mêmes à ces chaleurs de juillet et d'août, à l'ombre, qui sont devenues insupportables pour bien des personnes et pour presque tout le monde. Nous devons nous adapter nous-mêmes et nous devons y adapter les plantes, les animaux. Heureusement, l'homme possède une intelligence, il est en train d'explorer l'espace et il y joue presque.

Nous avons tous lu des nouvelles de la station Mir, on ne sait combien de problèmes elle a eus et pourtant les hommes se portent comme un charme. Il y a même eu une collision, la première collision dans l'espace, à cause d'un accouplage qui n'a pas bien fonctionné. Au siècle prochain, on verra des choses extraordinaires pour tout ce qui concerne l'espace et l'exploration des planètes qui entourent notre soleil. On parle même de monter des installations sur la Lune, sur Mars, au siècle prochain, d'y faire des colonies. Heureusement qu'il n'y a pas d'Indiens là-bas, parce que, sans ça, on verrait se répéter l'histoire de la colonisation terrestre. Mais prenez garde, la propriété privée peut y voir le jour, et des gens commenceront à enregistrer des morceaux de Mars ou d'autres planètes ! En tout cas, on parle déjà d'établissements humains, on en parle sérieusement et on fait des recherches dans ce sens.

Certaines des recherches que nous avons faites nous-mêmes et qui ont été publiées ont été utilisées, que je sache, lors de vols spatiaux en vue de produire certaines plantes, d'utiliser certains matériaux, des recherches pour lesquelles nous n'avons rien reçu, mais nous nous en réjouissons, car nous profitons à notre tour des progrès scientifiques que d'autres font.

J'espère que cette folie de tout mettre en lopin ne surviendra pas, comme cela s'est passé dans l'Antarctique, qu'un certain nombre de pays se sont répartis entre eux. Personne n'y vit et personne ne peut y vivre, mais ils l'ont distribuée entre eux. Il faut faire en sorte que les idées progressistes, les idées justes aillent plus vite que toutes ces recherches, sinon ils risquent de nous privatiser tout le système solaire, toutes les planètes. D'autres systèmes sont encore plus loin, et c'est encore autre chose, parce que personne ne s'imagine encore comment on pourra voyager à la vitesse de la lumière, ou presque, et si c'est possible. Cela relève encore de l'imagination et de la fiction.

Mais nous sommes à la veille de grands progrès scientifiques. Utilisons la science comme une ressource dans cette bataille pour faire face aux problèmes, et même aux problèmes énergétiques qui sont un des plus graves; dans la lutte contre la pollution. L'une des choses préoccupantes, c'est que le système impérialiste et capitaliste, comme je l'ai dit le premier jour, pousse le monde à l'abîme de la pollution qui risque de rendre l'air irrespirable, qui risque d'empoisonner les mers, les fleuves, dont beaucoup le sont en partie et cessent d'être des sources d'aliments, de sources de santé.

Les problèmes de l'eau qui se posent d'ores et déjà à l'homme et qui vont empirer dans les années futures sont énormes. On prend toujours plus conscience dans le monde de ces problèmes. Comme je vous le disais, les centrales hydrauliques se heurtent même à une opposition terrible. On a parlé ici du Toa, et on nous a expliqué qu'il y existe des réserves biologiques, et qu'on ne sait pas ce que l'homme perd chaque fois qu'une espèce d'animal ou de plante ou un beau paysage naturel disparaît.

Il est vrai qu'on crée des espèces nouvelles. Mais c'est un crime terrible. Il y avait avant tant de forêts, tant de bois que personne ne se préoccupait. Et ces forêts s'épuisent et à un rythme croissant; des millions d'hectares disparaissent chaque année. On a donc pris mieux conscience de ces problèmes de l'empoisonnement et de la dégradation de l'environnement qui donne vie à l'homme. Voilà une trentaine d'années, presque personne ne parlait de ça dans le monde, seuls quelques précurseurs, des visionnaires. Aujourd'hui, la prise de conscience augmente de jour en jour.

On voyage actuellement en quelques heures d'un bout à l'autre de la planète, les communications atteignent une vitesse énorme, le monde est de plus en plus petit. Tout ceci a bien des aspects positifs, bien entendu. Comme révolutionnaires, comme marxistes-léninistes, comme martiniens, nous ne pouvons pas être des ennemis du progrès ni du rapprochement entre les peuples et les nations. Si seulement le monde était une seule famille ! Ce avec quoi nous ne sommes pas d'accord, c'est un monde sous l'hégémonie de l'impérialisme et du capitalisme, un monde d'exploitation, d'injustices de toutes sortes.

Nous sommes conscients que la population du monde pauvre croît constamment et qu'elle constitue toujours plus une part grandissante de la population mondiale. Il s'agit d'un problème d'idées, de conceptions : dans quel monde vont vivre les générations futures, celles du siècle prochain ? L'homme doit en prendre conscience et réagir, et il le fait partout.

Il suffirait de voir ce qui s'est passé pour le trentième anniversaire de la mort du Che, comment on l'a commémoré, combien on le respecte. On note un éveil de la conscience, des sympathies envers les idées qu'il a représentées, avec toutes les vertus qu'il portait en lui, avec le genre d'homme qu'il représentait. On le constate partout.

Comme je l'ai expliqué, les défenseurs du système capitaliste et impérialiste vont devoir perdre toujours plus leurs illusions quand on voit les désastres qui sont survenus à bien des endroits. Leurs idées perdent leur prestige et ne pourront conquérir plus personne. Ils pourront acheter bien des gens, ils pourront corrompre, mais ils ne pourront pas persuader, et ils ne pourront pas gagner les cœurs et les esprits. Voilà pourquoi les idées sont si importantes, et plus que jamais, parce que ces gens-là voudraient que les cerveaux ne se réveillent pas. Ils voudraient les empoisonner de toutes les manières possibles pour que les gens continuent d'être bernés, qu'ils ne réagissent pas. Or, les gens réagissent de plus en plus.

Un fait insolite est survenu voilà quelques jours. Les Nations Unies ont créé une commission pour étudier les questions relatives à la peine de mort aux États-Unis et la forme dont on y applique la justice, et la raison pour laquelle des citoyens d'autres ethnies y sont condamnés à mort, des Noirs, ou des gens provenant du tiers monde, du Mexique, d'Amérique latine et d'ailleurs.

Deux Mexicains viennent d'être condamnés à mort. Il a été reconnu que la peine de mort a été appliquée dans bien des cas à des innocents, mais c'est la première fois qu'il se crée une commission. Des milliers de condamnés attendent l'exécution.

Les législateurs veulent maintenant raccourcir le délai durant lequel on peut faire appel, parce que cela dure parfois dix ans. Des recours et encore des recours, mais en fin de compte les condamnés passent à la chaise électrique ou reçoivent une piqûre mortelle. Il existe aux USA de 3 500 à 4 000 condamnés à mort. Donc, les législateurs veulent que tout ce procès soit réduit et que les condamnés à mort ne disposent plus de ces chances. Et les Nations Unies, devant tous ces problèmes de discrimination dans l'application de la justice, autrement dit le manque d'équité et de justice dans les sanctions imposées, réalisera une enquête.

Certains sont furieux. M. Helms, bien connu par tous les citoyens de ce pays-ci, en crève de rage, selon les dépêches, furieux. Il voudrait quasiment qu'on lance une bombe atomique sur l'édifice des Nations Unies parce qu'une commission enquête sur ce qui se passe aux États-Unis ! Ça alors ! Comment peut-on admettre quelque chose de pareil ! Et il fait partie de ceux qui s'opposent à ce que son pays paie sa cotisation et ce 1,5 milliard de dollars qu'il doit. Ils ne veulent pas payer, ils veulent ne payer que la moitié de leur dette et réduire en plus leur contribution, bien que le pays traverse un de ses meilleurs moments sur le plan économique.

Jusqu'aux Nations Unies qui ne veulent plus se plier à cette hégémonie et continuer de l'accepter. Nous l'avons vu. Ça fait bien des pays, et les États-Unis ne peuvent plus les manipuler tous.


 

Sur certains points, les États-Unis, leurs alliés et les anciens pays socialistes atteignent quelques-uns de leurs objectifs, mais sur d'autres, comme le blocus, non. Vous avez vu ce qui se passe année après année : deux voix, trois voix, quatre voix en leur faveur, c'est le maximum qu'ils obtiennent.

La première fois que la résolution cubaine a été présentée à l'Assemblée générale, une cinquantaine de pays ont voté pour, beaucoup se sont abstenus et certains se sont absentés. Pour éviter des ennuis avec ceux qui manipulent le Fonds monétaire, la Banque mondiale, les institutions de crédit, etc., ils s'absentent au moment du vote, et d'autres s'abstiennent. Mais l'an dernier, après quatre ou cinq ans de vote, plus d'une centaine de pays ont soutenu ouvertement la résolution cubaine contre le blocus. Toujours plus chaque année. On verra bien cette année-ci.

Cette année, un certain nombre de pays seront malheureusement privés du droit de vote. Comme certains ont des problèmes et des difficultés et qu'ils ne sont pas à jour dans le paiement de leur cotisation, on leur retire le droit de vote. Or, ce sont en général des pays qui votent pour Cuba. Mais le nombre grandit, ce qui veut dire qu'une résistance se fait jour aux Nations Unies à l'hégémonisme, aux diktats, et qu'elle se renforcera toujours plus. On peut le constater. On voit des indices de cette prise de conscience, de cet éveil de la conscience.

Après l'effondrement socialiste et la désintégration de l'URSS, les gens commencent à penser un peu plus et à voir les choses et les réalités. Et tout le monde en souffre d'une façon ou d'une autre.

Il faut voir les mesures qu'ont adoptées les USA à la frontière mexicaine. Le mur de Berlin, quelle blague ! Le mur de Berlin paraît un jouet à côté de ce mur de trois mille kilomètres qu'ils ont édifié, pratiquement une muraille, doté des ressources les plus sophistiquées de l'électronique et d'obstacles de toute sorte, avec des investissements, l'emploi de personnel spécialisé... Beaucoup de gens meurent là tous les ans pendant la traversée des déserts. Ils meurent ou on les tue.

Les USA veulent ériger une barrière infranchissable, parce que ceux d'Amérique centrale, du Mexique, veulent y aller. Et ceux du Tiers-monde. L'Europe est elle aussi effrayée parce que ceux du nord de l'Afrique et de l'Afrique en général veulent aller aussi là-bas, et elle prend des mesures draconiennes. Mais il faut voir les mesures contre l'immigration que les États-Unis prennent à la frontière mexicaine.

Il y a tant de choses sur lesquelles il faudrait enquêter dans ce pays-là en matière de droits de l'homme ! Et ça commence à se faire.

Oui, il y a maintenant des cours internationales. Et les USA, quand cela leur convient, veulent y soumettre un certain nombre de gens. Si l'on mettait en place des cours internationales équitables pour faire justice, personne ne s'y opposerait. Qu'elles soient les bienvenues ! Mais alors il faut juger en premier lieu les grands coupables, ceux qui commettent les pires crimes contre l'humanité.

Par exemple, quatre millions de Vietnamiens sont morts sous les bombardements, sans parler de tout ce qu'ont fait les États-Unis dans ce pays. Quatre millions ! Et on ne va présenter personne devant ces cours internationales pour avoir tué quatre millions de personnes à 20 000 kilomètres de distance ! Oui, bienvenues les cours de justice internationales si on y soumet les grands coupables et qu'on les juge !

Et tous ceux qui sont morts au Guatemala, les plus de cent mille disparus, on sait maintenant qui l'a fait, et quels sont ceux qui ont appris les méthodes aux organes de répression. Des dizaines de milliers de personnes ont été formées dans l'art de la torture et du crime qui ont sévi dans toute l'Amérique latine.

En El Salvador, le massacre d'El Mozote – et ils le savaient, eux, mais motus, pas un mot ! – a coûté la vie à neuf cents personnes environ – il y a un livre là-dessus – des hommes, des femmes, des enfants. Ils ne voulaient pas un survivant. On a appris l'histoire par une femme qui a réchappé et qui a donné le plus de renseignements. L'extermination totale. Et les conseillers étasuniens étaient là. Et ils étaient aussi au Guatemala, où des tas de personnes ont disparu. La sale guerre du Nicaragua, elle a coûté combien de vies ? Et l'invasion du Panama ? Et le soutien au gouvernement chilien qui a enlevé, torturé, assassiné ? Et en Argentine, on parle de jusqu'à trente mille disparus ! On sait maintenant des détails de ce qui s'est y passé. Et personne ne va répondre pour tout ça ? Ce sont des spécialistes des États-Unis qui ont organisé et entraîné tous ces gens-là.

Ceux qui ont envahi Saint-Domingue, ou ceux qui ont envahi la Grenade ont commis toutes ces horreurs. Ou alors ceux qui ont fourni des armes à l'UNITA, en Angola, qui – et nous le savons très bien – a tué des centaines de milliers de personnes et rasé des villages entiers. Bref, les États-Unis ont commis des crimes horribles, et personne ne les a jamais obligés à en répondre. Et l'un des plus grands, à mon avis, a été celui du Viet Nam. Les gens n'oublient pas ces choses-là.

Et que faisait un agent de la CIA dans la pièce où se trouvait le Che ? Quelqu'un de la CIA, qui supervisait, qui regardait, qui tentait d'interroger le Che. Et après ça, on fait des déclarations et on fabrique même des histoires : que la CIA ne voulait pas qu'on l'assassine parce qu'elle voulait obtenir des informations. Des informations de qui ? Du Che ? L'agent de la CIA dit même avoir tenté d'empêcher les autres de le tuer !

Les États-Unis étaient partout, dans toute l'Amérique latine. Ils ont commis beaucoup de crimes à une époque encore récente, ou bien alors ils en ont été les promoteurs et les complices, et pourtant ils n'ont eu à rendre compte de rien. Oui, mais les gens finissent par connaître toutes ces choses-là, finissent par se réveiller. On ne saurait concevoir tant d'égoïsme, tant d'hypocrisie : ils vous demandent une petite excuse au bout de vingt ans et vous déclassent des documents et encore des documents. On parle même de documents qui ne seront pas déclassés avant deux cents ans.

Dans le monde, on finit par prendre conscience de tout ça, ce qui a une importance extraordinaire, et cette conscience concerne non seulement des questions politiques, mais encore des questions économiques.

J'ai fait allusion à ce qui s'est passé dans le Sud-Est asiatique, et comment l'économie de pays qui ont travaillé pendant des années a été liquidée en quelques jours, parce que le monde est aux mains de spéculateurs, de gens qui ruinent et appauvrissent des pays. Et les gens le comprendront partout toujours mieux.

Les générations futures de notre pays vivront dans un monde qui aura bien plus d'informations de la réalité. Non, même pas les générations futures : ces enfants qui ont été ici-même, les jeunes d'aujourd'hui, les lycéens et les étudiants vont vivre dans un monde plus conscient. Et ça, vous ne pouvez pas l'empêcher, parce que les lois de l'histoire provoquent inévitablement cette prise de conscience et provoquent la rébellion des peuples, et elles prouveront que les idées qu'on veut nous imposer sont inviables, n'ont pas d'avenir.

Il n'y aura d'avenir que pour les idées que nous défendons, nous, pour les principes que nous défendons, nous, qui paraissons aujourd'hui une poignée de rêveurs. Non, plus qu'une poignée : un peuple de rêveurs.

C'est quand nous avons commencé que nous semblions pour de bon une petite poignée. Et maintenant, nous sommes des millions en Amérique latine ! Que le disent donc les enseignants qui viennent ici chaque année pour un congrès qui réunit des milliers d'entre eux, ou quand la Centrale des travailleurs de Cuba (CTC) organise une réunion de dirigeants ouvriers. La quantité de personnes qui prennent peu à peu conscience de tout ça est notable.

Et voilà les armes fondamentales dont nous disposons, voilà ce que nous avons semé durant toutes ces années-ci et ce que sème ce Congrès-ci.

Ce qui nous rend le plus heureux, c'est de voir un parti comme le nôtre défendant ses idées avec tant de passion, avec tant de ferveur, de ténacité et de fermeté, des idées que les réactionnaires, les exploiteurs, les impérialistes, les capitalistes veulent balayer de la terre. Mais ils ne le pourront pas !

Oui, ils en ont balayé certaines par le passé, comme celles des Communards qui ont été fusillés par milliers. Et pourtant, la première révolution socialiste de l'histoire a éclaté à peine cinquante ans plus tard.

Les Anglais se sont installés à Hong Kong voilà cent cinquante ans, ils y ont déclenché la guerre de l'opium – qui reviendrait de nos jours à déclencher une guerre pour s'emparer d'un marché de la cocaïne – ils ont vendu de l'opium aux Chinois, et les puissances coloniales ont organisé des coalitions et des expéditions. Or, voilà quelques jours à peine, ils ont dû rendre Hong Kong à une Chine qu'on ne peut envahir aujourd'hui avec quelques marines, à un Beijing dont on ne peut s'emparer, à une nation d’un milliard deux cent cinquante mille habitants, qui a un parti communiste et des idées révolutionnaires ayant les mêmes origines que les nôtres, à savoir Marx, Engels et Lénine, qu'ils ont complétées, eux, par celles de Mao, d'abord, puis par celles de Deng Xiaoping. Un milliard deux cent cinquante mille personnes qui ont déclaré avec beaucoup d'énergie qu'elles défendront leurs idées et qu'elles ne renonceront jamais au rôle du parti ni au socialisme.

Nous, on nous demande rien moins que de liquider le parti. Ah, bien sûr, nous ne sommes pas un milliard deux cent cinquante mille, nous sommes onze millions, nous ne sommes pas comme ce marché colossal, et le fait est que nous sommes ici, tout près des États-Unis, et que nous sommes un petit pays.

Là-bas, ils veulent investir le plus possible, car ils savent ce que c'est que la Chine et ce qu'elle sera à l'avenir. L'histoire nous apprend que les choses changent. Voilà à peine cinquante ans, l'Inde était encore une colonie, et elle compte aujourd'hui presque un milliard d'habitants. Beaucoup de ces colonies ont cessé de l'être. Quel monde était-ce donc, où un pays aussi petit que l'Angleterre dominait une grande partie de la planète, dont des pays comme l'Inde ou la Chine ! Aujourd'hui, les puissances occidentales ne peuvent plus établir, même pas avec des armes atomiques ou avec tout ce qu'elles possèdent, ce genre de domination : elles s'efforcent de le faire par d'autres moyens.

Les Chinois discutent de ce qu'ils doivent faire. Nous respectons leurs idées et leurs points de vue, car c'est un autre pays. Ils tentent de se faire un costume sur mesure, à leur mesure, et nous, nous nous le faisons à la nôtre (applaudissements) et nous défendons ce droit. De quel droit l'impérialisme vient-il nous dire comment nous devons nous habiller et comment doit être notre costume ! Ça, c'est nous qui le décidons. Mais il faut que ce soit un bon costume.

Nous réfléchissons sur certaines choses : le rôle de l'État, par exemple. Que doit faire l'État ? Bien entendu, certaines choses, l'État a du mal à les gérer, comme celles que je vous expliquais ce matin. Mais si l'État a des magasins, n'y a-t-il pas des sociétés étasuniennes qui ont des milliers de magasins ? Et ceux qui vendent des hamburgers partout ? Même en Inde, sans parler des anciens pays socialistes. Du Coca-Cola et des hamburgers même en Inde ! Évidemment, comme là-bas on ne pouvait pas utiliser de la viande de bœuf, ils ont recouru à la viande de buffle, ils se sont adaptés. Des chaînes de milliers de magasins, quelle est la différence ? Car si nous avons des milliers de magasins, ce sont au moins des magasins du peuple, des magasins de l'État, tandis que les leurs, ce sont des sociétés privées. C'est la seule différence. Lénine avait déjà prévu toutes ces questions-là, autrement dit comment à mesure que le capitalisme se développait et que surgissait l'impérialisme, et que se créaient les grandes transnationales, dans cette même mesure la structure d'un système socialiste, la structure du socialisme se mettait en place.

Lénine a aussi beaucoup parlé de la lutte pour les marchés et les matières premières, de la concurrence entre les grandes puissances, et surtout de la concurrence économique qui conduisait aux guerres. J'en ai parlé le premier jour.

Ces chaînes s'étendent dans le monde entier. Alors, si un particulier peut gérer des milliers de magasins de sa société, ou alors les cadres qu'il possède, pourquoi l'État ne pourrait-il pas avoir des milliers de magasins, oui, de magasins, et les gérer correctement ? Il se peut que nous devions apprendre comment ils le font, eux, comment ils réalisent les contrôles, comment ils font les inventaires, quelles techniques ils utilisent, parce que, là-dedans, ils ont des dizaines et des dizaines d'années, et même, pourrait-on dire, des centaines d'années d'expérience. Ce ne sont pas des gens qui sont descendus de la Sierra Maestra en même temps que l'Armée rebelle, non, ou des gens qui viennent juste d'apprendre à lire et à écrire.

Qui géraient donc nos usines, partout, et nos fermes ? Bien souvent, des compagnons qui étaient semi-analphabètes, qui n'avaient aucune expérience, aucune connaissance, rien. C'était la règle commune dans les premiers temps. Ce n'est plus ainsi aujourd'hui, où beaucoup de gens possèdent un bon niveau.

Je consultais des données, et je crois que plus de la moitié des délégués au congrès – je ne me rappelle pas le pourcentage exact, mais il est très élevé – ont fait des études supérieures. À ce congrès-ci ! Cela traduit bien la quantité de connaissances que nous avons acquises.

Hier, nous avons beaucoup discuté de sucre. Savez-vous combien d'universitaires il y a dans la branche sucrière ? Dix-huit mille ! Oui, dix-huit mille, mon bon monsieur ! Il est donc clair que nous n'utilisons pas bien ces connaissances-là, cette culture, cette intelligence. Bien sûr, c'est complexe. Ce n'est pas une question de comptables. Ou plutôt, si, mais il faut que les comptables de niveau secondaire et universitaire soient là où ils doivent être, et il faut lutter pour ça, de la même manière que les médecins sont là où il faut, dans les montagnes, dans les campagnes, dans les régions rurales, et que les enseignants sont aussi dans les montagnes et les campagnes. Oui, dans d'autres pays, ces spécialistes ne vont pas dans ces endroits-là, même si vous les payez bien. Nous, nous devons faire en sorte que les universitaires travaillent. C'est là une des conquêtes de la Révolution, comment n'y arriverions-nous pas ?

Il est incontestable que l'essentiel consiste à savoir ce que nous devons faire et comment.

L'une des premières choses qu'a faites le Che, que je sache, c'est de récupérer les archives et les dossiers d'un certain nombre de sociétés transnationales pour vérifier leurs méthodes de gestion et tout ce qui pourrait être utile dans ce sens. Lénine avait fait exactement pareil : il étudiait comment fonctionnaient ces grandes entreprises, ce qu'elles faisaient.


 

Je me rappelle certaines conversations avec le Che avant son départ, quand il a été à Cuba pour la dernière fois. Il s'entraînait, et il avait énormément d'espoir du fait de son expérience. Le Che était quelqu'un de prêt à donner sa vie à tout moment, à n'importe quelle seconde, avec une générosité totale, mais il était toujours en train de penser en même temps à l'avenir, aux choses qu'il allait faire à l'avenir, à partir de toute son expérience, non seulement guérillera, mais encore administrative, et à partir de son expérience cubaine. Il était en train de mettre au point des idées sur ce qu'il ferait dans son pays natal et comment il le ferait. C'était quelqu'un qui étudiait beaucoup, il aimait énormément faire des plans d'avenir, il était optimiste. Il savait bien entendu que, pour ce faire, il devait d'abord conquérir le pouvoir. Voilà pourquoi il étudiait toutes ces expériences pour s'approprier les connaissances nécessaires afin de savoir comment faire et comme gérer efficacement les biens du peuple. C'est une constante en lui.

Les questions de comptabilité et toutes ces choses-là, il est certain qu'il les avait très bien apprises, ainsi que les questions de la science et de la technique. Il est vrai qu'au triomphe de la Révolution, voilà bientôt quarante ans, les connaissances actuelles n'existaient pas, pas plus les communications, les ordinateurs, l'information, les techniques. Et j'essaie d'imaginer ce qu'il aurait fait, lui, face à tout cela, ce qu'il aurait fait pour mettre tout ça au service du peuple et de la Révolution, quelles mesures il aurait adoptées et combien il aurait appris durant toutes ces années-là, avec toutes les nouveautés qui ont vu le jour.

C'est ça la clef, et c'est là une de nos tâches. On l'a très bien vu ici, même si la discussion n'a pas porté sur toutes les branches. Si nous avions continué de discuter autant que sur la canne à sucre et l'agriculture, nous aurions abouti aux mêmes conclusions. Même si on n'a tout pas discuté des questions de la canne et de l'agriculture, parce que ça aurait pris trop de temps.

Mais ce Congrès doit concrétiser cette prise de conscience, cet accès à un échelon supérieur de conscientisation au sujet des tâches économiques, qui sont indissolublement liées aux tâches politiques, car il ne peut exister de politique sans économie ni d'économie révolutionnaire sans politique révolutionnaire.

Évidemment, la première bataille était politique, et même pratiquement militaire, et c'est elle qui a conduit le peuple au pouvoir et à l'indépendance. C'est après qu'a commencé la plus difficile, et nous le savions, car nous avions appris un peu au sujet de la guerre, mais nous n'avions aucune expérience administrative, économique.

Les années ont passé. Que nous étions jeunes alors, beaucoup d'entre nous qui ont pris part à la guerre, et qu'il était jeune le peuple, et combien il manquait d'expérience ! Ce n'est plus comme maintenant où nous devons et pouvons mettre l'accent sur les choses dont nous avons discuté ici.

Quand notre Congrès se réunira de nouveau – dans cinq ans, espérons-le, et non dans six – souhaitons que tous les exemples qui ont été présentés ici et qui prouvent que tout est possible, soient une pratique généralisée dans le pays (applaudissements). Qu'on puisse dire de toutes les sucreries ce qu'on a dit de certaines, et que ce qu'on a dit de certaines UBPC et de certaines coopératives de crédit et services – dont on a dit hier des choses intelligentes et nouvelles au bénéfice des paysans – on puisse le dire de toutes. Bien sûr, quand je dis toutes, je le dis d'un point de vue relatif, car ce serait utopique qu'il n'y ait pas d'exception, mais il faudrait en tout cas que l'exception soit l'inefficacité et les erreurs, et non la règle. Que l'exception ne soit pas ce qui fonctionne bien, et presque parfaitement.

Telle doit être la tâche capitale de notre parti au cours de ces cinq prochaines années. J'aimerais que nous fassions tous cette promesse, que nous prenions tous cet engagement, car nous avons tout ce qu'il faut pour le tenir : sept cent quatre-vingt mille militants, et des militants et des cadres bien formés, plus de cinquante mille cellules, et des organisations de masse.

L'autre jour, après avoir parlé des organisations de masse, on m'a dit : « Dis donc, tu n'as pas mentionné la Fédération des femmes cubaines. » Et j'ai répondu : « Comment ça, je ne l'ai pas mentionnée ? C'est impossible ! » Mais je me rappelle bien avoir dit les femmes, autrement j'ai traité la Fédération familièrement, comme je le fais toujours. J'aime mieux dire souvent les femmes, parce que pour moi la Fédération et les femmes c'est la même chose (applaudissements). Ou alors peut-on penser à un mot sans le prononcer ? Je me souviens aussi avoir dit les paysans, et non l'ANAP, avoir dit les pionniers, les lycéens, les étudiants, sans dire le nom exact de chaque organisation, car je les traite toutes avec familiarité. Je ne peux en oublier aucune, pas plus que je ne peux oublier la toute jeune organisation des combattants (applaudissements).

Nous avons donc un parti, nous avons aussi une jeunesse magnifique – oui, en toutes lettres : une jeunesse magnifique ! – à laquelle, bien entendu, nous demandons et demanderons toujours plus, et surtout plus de travail politique, car le travail politique n'est pas la même chose que de lancer un slogan. Attention, je ne veux pas dire par là qu'elle a utilisé des slogans, un concept qui est pour moi différent de résumer des idées en une phrase. Mais le parti aussi a été parfois, pendant longtemps, dogmatique, schématique, a travaillé parfois à partir de slogans, et non pas toujours à partir d'arguments, de persuasion, d'engagement, à partir d'un travail d'homme à homme, de femme à femme, ce qui veut dire travailler auprès de chaque homme, de chaque femme, de chaque jeune, de chaque lycéen et de chaque étudiant.

J'ai été très frappé quand Raúl a expliqué que, lors du travail de perfectionnement [dans les entreprises militaires], on avait parlé avec chaque travailleur, non avec le travailleur dans l'abstrait, mais avec chacun concrètement.

Là aussi, il faut travailler auprès des citoyens concrets, un par un. Ce n'est pas seulement le travail de la presse et de la télévision, ou des conférences ou des meetings politiques, mais un travail un par un. Et ce travail-là est historique. C'est ainsi que sont créées les religions et que celles-ci ont duré des milliers d'années. Elles ont commencé par un ou deux, et après les fidèles se sont comptés par millions. On dit que les apôtres étaient douze, et ils sont aujourd'hui des millions. Les catholiques et les autres chrétiens et toutes les religions du monde ont fait un travail un par un, ils ont formé de nombreux cadres et ils étudiaient.

Pour être jésuite, par exemple – je me souviens de ceux que j'ai connus dans les écoles où j'ai fait mes études secondaires – il faut étudier je ne sais combien d'années, plus qu'un médecin. Un de nos médecins de la communauté, spécialiste de médecine générale intégrale ou autre, étudie peut-être autant qu'un de ces prêtres-là qui étaient professeurs.

Dans les grandes religions de l'Inde, ou dans le reste de l'Asie, ou alors les musulmans, les fidèles ont commencé à inculquer leurs croyances un par un. Toutes les religions l'ont fait de cette manière. Et nous, comme révolutionnaires, nous devons faire aussi ce travail un par un. Les cadres du parti et ceux des Jeunes communistes se doivent travailler de la sorte, et ne jamais considérer personne comme perdu.

En étant profondément convaincus que nous avons raison et que nous défendons ce qu'il y a de plus juste, de plus beau, de plus humain, il nous faut discuter aussi longtemps qu'il le faut, expliquer autant de fois qu'il faut expliquer. Enseigner, éduquer. On ne peut faire un travail politique dans l'abstrait. Il faut aller plus loin dans les connaissances, dans les idées, analyser ce qui se passe ici et ce qui se passe dans le monde. Être franc, être courageux, être véridique.

Qui a-t-on obligé dans ce pays à être socialiste ou communiste ? Personne. L'entrée au parti est absolument volontaire et passe par un mécanisme difficile et unique en son genre : l'acceptation de la masse. Et nous comptons sept cent quatre-vingt mille militants, et cinq cent mille jeunes communistes.

Le parti compte donc sept cent quatre-vingt mille militants, qui sont en général plus âgés, et il y a ensuite tous les révolutionnaires du pays. En travaillant unis, que ne pouvons-nous pas faire ? Cette tâche dont j'ai parlé, à savoir convertir en une règle ce qui n'est encore bien souvent qu'une exception, généraliser nos meilleures expériences est donc la tâche de ce Comité central que nous venons d'élire, du Bureau politique, de l'Assemblée nationale et de la nouvelle qui sera bientôt élue, du gouvernement, des pouvoirs populaires.

Comment pourrions-nous ne pas le faire ? Que sommes-nous, que valons-nous si nous n'y parvenons pas ? Avec tout ce que nous connaissons, avec toutes les possibilités que nous avons, il faut le faire. C'est la victoire des idées.

Faisons-le non seulement pour le progrès et le bien-être de notre peuple, mais encore pour les belles idées que nous défendons (applaudissements) ; faisons-le pour combattre ce cruel système impérialiste, faisons-le pour combattre ce système impérialiste insoutenable et impitoyable qui n'a pas d'avenir parce qu'il est inhumain, chaotique, anarchique. Alors, que personne ne vienne nous dire, par exemple, de renoncer à toute planification.

Ceux du Pentagone travaillent sur des plans minutieux et détaillés, presque à un niveau d'inventaire des fourmis dans le monde, et comment tuer les fourmis, et quels avions utiliser à telle date et à telle autre, et quelles armes nouvelles à mettre au point et quels programmes spatiaux ! Et les politiciens réactionnaires ont aussi leurs programmes, la réaction dans le monde a son programme politique, elle a planifié comment s'emparer des richesses du monde, comment dominer encore plus le monde et l'exploiter.

Nous, nous poursuivrons nos programmes et nos plans, nous continuerons la décentralisation indispensable que nous avons engagée, mais aussi la supervision indispensable pour ne pas tomber dans l'anarchie capitaliste, qui est son pire malheur.

Chacun de ces millionnaires fait ce qu'il veut de son argent, mais il ne peut renoncer en tout cas à ses plans dans tel ou tel domaine.

Même le Japon, qui a atteint une croissance soutenue relativement longue après la guerre, a travaillé à partir de programmes économiques et a adopté toutes sortes de mesures pour vaincre la concurrence, pour s'emparer de marchés, pour rendre ses marchandises compétitives. Et l'un des problèmes du monde est justement la différence d'intérêts entre le Japon et les États-Unis, par exemple, et entre d'autres puissances économiques.

Nous ne pouvons livrer notre développement économique et social aux lois aveugles du marché, qui ne régneront pas ici. Ce qui ne veut pas dire que nous ne puissions pas appliquer une certaine forme de marché, ou des formes déterminées.

Les Chinois utilisent le terme d'économie de marché socialiste. Nous observons ce qu'ils font, mais ils ont des plans, des programmes, un parti, et ils sont en train de chercher quels mécanismes capitalistes peuvent leur être en quelque sorte utiles. C'est un pays de 1,25 milliard de personnes, je le répète, – et sans doute un peu plus, il se peut que ce chiffre soit dépassé – un très grand pays, très difficile à diriger, bien entendu. Là, tout se chiffre en centaines de milliers d'usines, en dizaines de millions de lopins agricoles et d'autres activités économiques; ils doivent – comme ils disent – s'adapter à un socialisme aux caractéristiques chinoises, mais ils ne cessent d'insister constamment sur le rôle hégémonique, déterminant, fondamental de l'État.

J'expliquais qu'on discute beaucoup aujourd'hui dans le monde comme régler le problème, qui est aussi le nôtre, des entreprises non rentables, qui provoquent des pertes. Bien entendu, s'il existe une entreprise qui produit quelque chose qui sauve des vies humaines, ou qui a une grande importance stratégique et sociale, eh bien, notre État doit dans ce cas recourir à des subventions, donner le nécessaire, car c'est plutôt alors un service public. Il faut savoir que pour des raisons absolument objectives découlant de la guerre économique des États-Unis, nous ne pouvons pas toujours éliminer tel ou tel retard technologique ou satisfaire des besoins de façon plus économique par le marché international. Il peut y avoir, je le répète, des exceptions où l'État estime, pour des raisons données, absolument utile d'accorder des subventions. Mais ce qui ne peut absolument pas exister, c'est un lieu de travail gaspillant des ressources, jetant de l'argent par la fenêtre, travaillant inefficacement.

Toutes ces questions-là sont assez complexes, parce que les profits ont aussi à voir avec les prix. On a parfois eu tendance à surmonter l'inefficacité en demandant des prix plus élevés, comme si en élevant les prix on réglait tous les problèmes d'inefficacité, oui, avec cinq milliards dans la rue de déficit budgétaire que nous avons atteint à un moment donné, comme on nous a expliqué hier. Aucun déficit, si possible, ou minime, mais acceptable, tolérable, permis. Nous ne pouvons pas jeter l'argent par la fenêtre, et nous avons tout simplement des pertes pour des motifs d'organisation, d'efficacité. Il faut vraiment les surmonter, et la subvention à la production doit toujours être une exception, et non la règle.

En tout cas, vous pouvez être sûrs que l'idée de privatiser nos industries n'est absolument pas dans l'esprit des cadres et des dirigeants de notre parti.

S'il faut fermer une sucrerie parce qu'il est absolument impossible de la rentabiliser du point de vue économique, de la rendre utile à l'économie, d'empêcher qu'elle provoque des pertes eh bien, qu'on la ferme. Mais peut-on admettre l'idée que nous, révolutionnaires cubains, nous ne pouvons pas y parvenir, mais qu'en revanche un capitaliste privé le peut !

À leur récent congrès, bien que nous n'ayons pas toutes les informations, les Chinois ont, selon les dépêches, parlé d'actions, de vente ou de distribution d'actions, de coopératives par actions, et d'autres formes de propriété collective qu'ils sont en train de mettre à l'essai. Leurs conditions sont très particulières, et nous ne devons pas sous-estimer leur sagesse proverbiale.

Dans d'autres pays, on a cédé des actions à des cadres et à des travailleurs des entreprises, qu'elles aient été rentables ou non, comme cela s'est fait dans une bonne partie de ceux qui formaient l'URSS. Mais le gros de ces actions est vite devenu du papier, et ensuite un certain nombre de personne sont parvenues d'une façon ou d'une autre à les acquérir, notamment celles des entreprises les plus riches et les plus productives qui sont maintenant de grandes sociétés privées. En fait, le résultat de ces recettes et conceptions capitalistes, c'est qu'une grande partie des usines et des centres de production et de services a sombré dans la ruine totale.

Nous n'avons pas de raison de faire cadeau des usines aux ouvriers, car les ouvriers en tant que classe sociale révolutionnaire en sont déjà les maîtres (applaudissements). Et qu'allons-nous faire des usines qui ne sont pas rentables par manque ou par insuffisance d'énergie ou de matières premières, pour des raisons d'organisation, de technologie, d'improductivité ou de marché ? Allons-nous en faire cadeau aux gens qui y travaillent ? Les ouvriers peuvent-ils tout seuls arranger cette usine non rentable ? De quoi allons-nous leur faire cadeau ? Des pertes ? Dans nos conditions particulières, c'est l'État, parce qu'il possède les meilleures facilités et les meilleures ressources, qui a la responsabilité d'arranger cette usine et de la rendre rentable, de la rendre productive, de la rendre efficace et, en dernier ressort, d'assumer les pertes ou de la fermer, mais toujours en protégeant les travailleurs.

Nous ne voulons pas non plus créer, par les privatisations, une classe de riches qui obtiendrait ensuite un énorme pouvoir et qui se mettrait à conspirer contre le socialisme.

On parlait hier, à titre d'exemple, de l'individu qui a beaucoup d'argent et qui commence à faire des faveurs, devient un saint, un bienfaiteur, mais aussi un suborneur et un corrupteur des autres. Nous n'en voulons pas.

On a insisté plusieurs fois sur le fait que certaines choses découlant des mesures adoptées pendant la Période spéciale ont l'inconvénient de créer un certain nombre de riches dans le pays et qu'il faut accepter ce remède, cette potion. Mais si on applique vraiment les programmes, si on fait ce qu'il faut, il viendra un moment où il ne sera plus possible avec un étal ambulant de devenir millionnaire.

Il y a des choses qui sont, pour ainsi dire, inévitables. Prenez le cas des gens qui louent un logement aux touristes ou à des étrangers de certaines sociétés qui font des affaires avec Cuba, bien que ce dernier type de location - autrement dit à des fonctionnaires de sociétés étrangères - soit interdit parce qu'il existe une institution qui prête ces services, bien qu'il n'y ait pas assez de logements et qu'on s'efforce d'en disposer d'assez, car ce sont des ressources qui vont à l'État pour satisfaire des besoins essentiels du peuple.

Certains touchent jusqu'à trois mille dollars par mois en louant un logement – reçu de la Révolution – à des étrangers. Si vous multipliez par 23 pesos, ça fait presque 70 000 pesos. Que dirait un médecin, un professeur, un ingénieur ? Pouvons-nous faire moins que taxer d'un impôt ceux qui logent des touristes ? S'ils contribuent au budget par cet impôt, s'ils respectent les réglementations, s'ils ne logent pas un terroriste qui vient saboter l'économie, si on établit les contrôles qui existent dans tous les pays et les inscriptions au registre, s'ils respectent les lois, nous n'en mourrons pas parce que quelqu'un touche des revenus par ce moyen.

Évidemment, tout le monde n'a pas une maison qu'il peut louer 3 000 dollars. Mais qu'y faire ? Celui qui vit dans un deux-pièces déménage chez un parent, lui donne quelque chose, et loue, mettons, à 700 ou 800 dollars. Mais dans un pays où vous n'avez rien à payer pour les services de santé, l'éducation et bien d'autres services, ces revenus en devises, échangés contre des pesos, sont élevés. Et nous ne ferons pas payer ces services-là, car ce sont des services essentiels que l'État prête au peuple gratis. Cela fait partie de l'essence de la Révolution, et ce n'est pas parce que certains gagnent beaucoup d'argent que nous allons commencer à faire payer l'école, à la privatiser, ou à la vendre, ou à dire aux professeurs : « Gardez cette école pour vous, parce qu'elle nous coûte cher, privatisez-la et faites payer ce qu'il vous chante. » Et qui paie, et avec quoi ? Ce serait un désastre. Nous sommes fiers de nos écoles et de notre système éducationnel, et les fruits qu'ils ont donnés sont phénoménaux.

Tout au long de l'histoire, les logements ont été différents, et de différentes tailles, et certains offrent plus de possibilités et d'autres, moins. Et tous ceux qui faisaient l'objet d'une location, ou ceux qui ont été bâtis ensuite, et ceux que les bourgeois ont laissés en abandonnant le pays, ont été remis au peuple, sauf certains qui sont restés des appartements de fonction. Dès l'attaque de la Moncada, dès le premier programme de la Révolution, nous avions promis que chaque famille serait propriétaire de son logement, et que le paysan serait propriétaire de ses terres, comme l'a fait la première loi de réforme agraire. Tous ceux qui étaient locataires ou détenteurs précaires sont aujourd'hui propriétaires. Et ç'a été une mesure révolutionnaire. Ce que nous devons faire maintenant, c'est bâtir de nouveaux logements pour ceux qui n'en ont pas ou qui en ont besoin, parce que les familles grandissent, les gens se marient, les gens se séparent. Et c'est quelque chose de magnifique que nous bâtissions presque cinquante mille logements par an en pleine période spéciale.

Certains veulent de toute façon vivre à l'étroit : certains se sont installés dans un garage, par-ci par-là. Et il faut réglementer tout ça. Si un certain nombre de citoyens reçoit par ce moyens des revenus, soit en faisant un sacrifice personnel soit parce qu'ils ont de l'espace en trop, ce n'est pas une tragédie pour la Révolution. Ce qui intéresse celle-ci, ce sont les questions de sécurité, les questions d'économie, autrement dit les revenus nécessaires pour acheter des aliments, pour importer, pour faire fonctionner les hôpitaux, les écoles, pour bâtir de nouvelles maisons. Oui, c'est cela qui l'intéresse et elle ne va pas mourir parce que quelqu'un a trop de revenus. Je peux vous assurer en tout cas que nous n'allons pas vendre les usines et que nous n'allons pas créer une classe industrielle, de propriétaires, d'entrepreneurs. Nous n'allons pas privatiser les usines, nous n'allons pas suivre cette voie, qui n'est pas en contradiction avec le travail familial qui se réalise de façon indépendante et qui se fait sans exploiter personne, ni spéculer ni appauvrir les autres citoyens.

Quelqu'un a un petit restaurant en famille. Tout ce que nous lui demandons, c'est de payer les impôts, de ne pas acheter des choses volées, de respecter les lois, les règlements sanitaires, les normes établies, de travailler en famille, de ne pas s'inventer un parent. Que tous ceux qui le veulent travaillent, mais honnêtement. Bien entendu, l'État devra veiller à ses propres installations et livrer cette bataille dont je vous parlais hier : servir des produits plus économiques, des produits de qualité, de bonne hygiène, car ce qu'il récupère là sert à tout le monde.

Imaginez un peu combien de gens deviendraient riches dans ce pays et les problèmes qui surgiraient si on privatisait les magasins ! Non, qu'on les gère de la même manière que les meilleures sociétés capitalistes gèrent les chaînes de magasins, de restaurants et les autres activités de services et de production. Qu'on les gère comme il faut les gérer, parce que si le capitaliste peut, nous pouvons, nous, encore mieux (applaudissements). Comment gérer une épicerie ? Apprenons jusqu'à ce que nous puissions avoir des magasins meilleurs et plus grands, autrement dit, d'un autre genre, plus avancés. Apprenons, nous avons l'obligation d'apprendre à les gérer.

Et n'allez pas croire que le propriétaire des chaînes capitalistes est sur place. Non, bien souvent, il vit à l'étranger, dans les bureaux centraux et il voyage ou il se promène, et il dispose d'un gérant, d'un cadre bien payé, bien formé à la tâche qu'il exécute. Les propriétaires de l'United Fruit et de toutes ces grandes sociétés qui possédaient les plus grandes sucreries et le gros de terres en Oriente, en Camagüey et à bien des endroits, ne vivaient pas à Cuba, ils vivaient tous aux États-Unis et dans les grandes villes.

Les propriétaires de ces grandes exploitations bananières en Amérique centrale et en Amérique du Sud, aucun n'y vit, et beaucoup ne les ont même jamais visitées; ils ont de l'expérience, des gérants bien formés, toujours mieux dotés en matière de statistiques, de gestion, et presque aucun n'a vu jamais vu une bananeraie de sa vie.

Ici, les dirigeants de l'État sont au moins sur place et sont partout. Celui de la commune, qui a une salle de cinéma ou quelque chose de ce genre, vit sur place, il est bien plus près que le propriétaire d'une transnationale et il peut voir le cinéma toutes les semaines, s'il le veut.

Nous avons les conseils populaires créés pendant la Période spéciale, disposant de pas mal de facultés, des permanents choisis parmi les compañeros élus dans les circonscriptions, et ils sont là sur place, près du magasin, près du cinéma, près de l'école, près de la polyclinique, dans la plus petite commune de Cuba. Alors, comment ne vont-ils pas diriger efficacement ?

Posséder des qualités, des connaissances et de l'expérience en matière économique et en matière de gestion devient toujours plus important.

Si, au début, nous avons dû faire nôtre le mot d'ordre de La Patrie ou la Mort ! et courir tous les jours à la côte parce qu'on annonçait une invasion, ou mobiliser dans l'Escambray quarante mille travailleurs de la capitale pour lutter contre les bandes contre-révolutionnaires ou à Playa Girón, ou lors des crises, et chaque fois, nous devons maintenant nous mobiliser dans un autre sens. Voilà pourquoi j'ai parlé de soldats de l'économie. Maintenant ce n'est pas seulement cet esprit de La Patrie ou la Mort ! dont nous avons besoin. Raúl a parlé des canons et des haricots, en disant que les seconds étaient plus importants que les premiers. Et nous apprécions les canons, pas de doute, parce que nous avons besoin, et si en dernier ressort il faut canonner chaque envahisseur avec son gilet pare-balles, eh bien on le fera !

Oui, gérer n'importe quoi, une UBPC, gérer une épicerie, gérer les unités de production et de services qu'il ne faut pas oublier doit être une science de chaque révolutionnaire.

Nous devons maintenir le mot d'ordre de La Patrie ou la Mort ! mais nous devons nous transformer aussi en des gérants, et en de bons gérants. Un cadre communal, en plus de la doctrine politique et du contact avec les masses et tout le reste, doit savoir assez pour faire bien marcher tout ce qui est de son ressort.

C'est cela que veut dire quand on dit que les haricots sont plus importants que les canons. Bref, l'économie a aujourd'hui l'importance numéro un, et a encore plus d'importance en période spéciale, plus d'importance à mesure que se renforce le blocus contre notre pays, plus d'importance dans la mesure où nous devons rembourser quarante-deux cents de plus pour chaque dollar qu'on nous prête pour acheter du combustible, et on en a parlé hier.

Pensez-y et faites en sorte que les gens pensent : « Tout ceci a été obtenu, parce qu'il n'y a pas eu assez de sucre ou assez de ceci ou de cela, à partir de crédits qu'il faut rembourser à ce prix-là », chaque fois que quelqu'un se balade, gaspille, jette l'argent par la fenêtre.

On a expliqué ici comment, quand il a fallu payer en devises certains intrants, et même de combustible, un certain nombre d'entités économiques ont commencé à dépenser la moitié de ce qu'elles dépensaient avant. Que c'est dur de mettre dans la tête des gens que leur devoir est de dépenser la moitié, parce qu'ils n'arrivent pas à le comprendre ! Mais quand cela touche leur domaine d'activité et qu'ils ont un budget limité, alors ils font des économies d'argent pour pouvoir disposer d'autres choses, parce qu'on ne peut nier l'amour de nos cadres pour leurs usines et tout le reste, mais il s'agit là d'un amour chaste, et il nous faut un amour fécond, qui donne des fruits !


 

Oui, quand ça les touche de près, ils économisent. Voilà pourquoi on établit des normes de ce genre là où c'est possible. On ne peut en établir partout, les conditions, les circonstances ne sont pas les mêmes partout, une série de facteurs rendent parfois leur application impossible. La recette ne peut être la même partout. Mais chaque homme, chaque cadre politique doit le savoir et doit avoir cette idée en tête, en tout premier lieu. De même que le principe selon lequel aucun intérêt particulier ni aucun intérêt d'entreprise ne peut prévaloir sur les intérêts de la nation. Ce doit être un principe sacré, à mesure que nous décentralisons ou que nous donnons plus de facultés et plus de liberté pour gérer les choses plus efficacement.

Quand je parle de liberté et de décentralisation, c'est pour parler de plus d'efficacité. Cela ne doit jamais aboutir à moins d'efficacité, ou à plus de gaspillages, ou à une utilisation irrationnelle des ressources.

Il est indispensable de doter le cadre politique de connaissances ou de le choisir non seulement en fonction de ses qualités politiques, mais encore de ses qualités de bon gérant et de bon dirigeant économique. Cela ne veut pas dire qu'il doit être un économiste, il peut travailler avec eux, les consulter, mais c'est lui qui doit en prendre la responsabilité. Il faut y parvenir.

Si ce pays a fait tant de miracles, comment ne va-t-il pas pouvoir faire celui-ci, si nous voulons le faire entre tous, compte tenu de cette unité, de cette conscience que nous avons aujourd'hui ? Je suis convaincu que nous le pouvons, parce que je crois à l'homme, je crois aux idées, je crois à la capacité humaine, et je pense que l'homme est différent des autres espèces animales.

Nous pouvons bien avoir les dehors des autres êtres vivants, et être régis par les mêmes lois physiques et biologiques, n'empêche que ce qui distingue l'homme des autres espèces vivantes, c'est la conscience.

Renoncer à cette idée, c'est renoncer à l'idée de l'être humain. Je ne crois pas que quelqu'un se résigne aisément à l'idée ne pas être un être humain, parce que mêmes des gens qui commettent des crimes et des choses de ce genre ont bien souvent quelque trait humain.

Et puis, il y a le système qui joue. Le système capitaliste produit des bêtes; le système socialiste dans notre pays, dans notre Révolution, produit des êtres humains. Il produit un homme différent, je l'ai dit et je ne vais pas le répéter, ce que prouvent les faits et même les chiffres.

Qui, sur ce continent, pouvait déplacer dans le monde la quantité de citoyens que la Révolution cubaine a mobilisés dans des missions internationalistes ?

Je parlais d'Églises. Certaines ont des gens très dévoués aux œuvres de charité. Vous avez vu récemment ce qui s'est passé à la mort de la mère Thérèse, connue dans le monde entier – à la même époque où la princesse d'Angleterre est morte dans un accident. Eh bien, des millions de personnes de toutes les religions lui ont rendu hommage. Parce qu'elle a passé sa vie à œuvrer pour les pauvres, à les aider, ce qui lui a attiré ensuite une reconnaissance universelle. Quand l'homme aux quarante milliards mourra, je voudrais bien savoir si des millions de personnes de toutes les religions lui rendront hommage !

La mère Thérèse ne possédait rien d'autre que ce qu'elle avait sur elle. Elle a visité une fois notre pays, j'ai conversé avec elle, et elle a même envoyé des gens de son ordre travailler à Cuba. Elle s'est consacrée aux pauvres.

Certaines religions ont des institutions qui travaillent dans ce genre d'œuvres. Nous avons eu cette expérience tout au long de la Révolution, des religieuses très respectées et très estimées qui s'occupaient des lépreux, ou qui s'occupent d'enfants ou de malades ou de personnes âgées. Je les ai vu travailler, et je peux vous dire qu'elles sont très efficaces.

J'ai visité quelques asiles, et elles sont très économes – je l'ai déjà dit bien des fois – elles gèrent bien, elles sont dévouées.

Nous autres, comme révolutionnaires, nous devons être aussi dévoués, ou plus. Nous ne sommes pas poussés par un sentiment religieux, certes, mais pour nous la justice est une religion, pour nous, la liberté, le bien-être de nos compatriotes est une religion, l'indépendance est une religion, la patrie est une religion. Autrement dit, tout : révolution, patrie, indépendance, justice sociale, socialisme est pour nous comme une religion (applaudissements).

Nous autres, c'est pour des motivations strictement humaines que nous faisons ces choses-là, ou que nous devrions les faire; nous n'attendons rien en échange, aucune sorte de récompense, c'est une question de conscience. Nous ne sommes pas des croyants, bien que les croyants puissent entrer au parti, comme nous l'avons décidé, mais nous ne sommes pas le moins du monde des fanatiques. Si nous mourons pour la patrie, nous mourons pour elle; si nous mourons pour le socialisme, nous mourons pour le socialisme ; si nous mourons pour aider un autre pays, nous mourons par solidarité.

Martí, Mella, le Che – dont les portraits président à notre Congrès – sont morts pour leurs idées avec un altruisme infini, indépassable, ils sont morts pour leur patrie, ils sont morts pour la révolution, ils sont morts pour le socialisme (applaudissements).

Martí, qui a été l'inspirateur de notre Révolution, a été un exemple et a frayé la voie qui nous a permis un jour de proclamer la révolution socialiste à Cuba.

Quand nous leur rendons hommage ou que nous visitons leurs tombes, nous ne pouvons oublier à aucun moment les mobiles qui ont poussé ces hommes et ce qui les a conduits à tout donner.

Et nous ne serions pas capables d'un sacrifice pour les autres ! Nous avons des tas de gens capables de le faire ! Combien de travailleurs, d'infirmières et de médecins dans ces hôpitaux de lépreux, ou dans des hôpitaux où le travail est parfois très dur, à s'occuper des personnes qui sont nées avec des maladies incurables et qui peuvent y vivre parfois cinquante ou soixante ans ? Ici ou ailleurs.

On parle de missionnaires. Nos concitoyens ont fait des missions dans les endroits les plus reculés, et ils sont comme des missionnaires. On ne peut être révolutionnaire sans cet esprit-là. Voilà pourquoi je dis que c'était pour nous comme une religion et nous nous en sentons fiers, parce que c'est une qualité humaine très noble.

Et voilà aussi pourquoi le Che a dit qu'être révolutionnaire était l'échelon le plus élevé de l'espèce humaine. Quelle phrase, quel concept magnifique, brillant ! Être révolutionnaire, c'est monter à l'échelon le plus élevé de l'espèce humaine. Faisons nôtre cette idée.

L'homme a plus de vertus qu'on n'imagine. Je me rappelle quand El Vaquerito, si connu, est arrivé dans la Sierra Maestra – il est venu avec des bottes de vacher, d'où son surnom – tout malingre. Les gens le blaguaient pour ça, et lui tout tranquille, et au bout de quelque temps, il a été le premier à apprendre à monter et à descendre les montagnes, à souffrir des privations, et tout ça sans aucune responsabilité, sans occuper aucun poste, et il a participé à la lutte contre l'offensive finale de l'ennemi, il s'est enrôlé dans la colonne d'invasion du Che et a fini comme chef du fameux peloton suicidaire. Vous pouvez être sûrs qu'il n'aurait pu s'imaginer tout ça quand il est arrivé dans la Sierra Maestra avec sa dégaine, avec ses vêtements, avec ses bottes. Et pourtant voyez ensuite ce qu'il a fait.

Les gens ont bien plus de qualités qu'on n'imagine, et notre devoir est de les découvrir, de les stimuler, de les promouvoir, de les développer chez nos compatriotes. Oui, c'est là une mine infinie.

L'un des dons du Che était justement sa capacité de promouvoir ces vertus, et la méthode qu'il a suivie pour cela a été essentiellement de prêcher d'exemple.

Et maintenant que nous avons parmi nous ses restes mortels, je crois que nous devons avoir bien plus : nous devons avoir ses idées immortelles, son exemple immortel (applaudissements).

Quand nous avons perdu Camilo, j'ai dit qu'il y avait beaucoup de Camilo dans le peuple, et je l'ai répété à la mort du Che.

J'ai déjà expliqué que cette mort était toute relative et combien il était vivant et présent parmi nous. Alors, si nous croyons qu'il y a de nombreux Camilo et de nombreux Che dans le peuple, nous devons faire en sorte que chaque compatriote en soit un. Et ce n'est pas un rêve, mais quelque chose en quoi nous croyons. Cela ne veut pas dire que nous allons y arriver absolument, mais nous devons en tout cas faire absolument en sorte que nos compatriotes soient comme eux, que nos militants soient comme eux. Oui, il le faut. Nous ne sommes pas si utopiques que nous croyions que tout le monde le sera sans exception, mais nous pouvons en tout cas obtenir que beaucoup le soient, ce qui est plus que suffisant pour que ce pays grandisse encore plus, avance encore plus, pour que ce pays obtienne la gloire de vaincre l'empire quand il tente de nous désunir et de nous asphyxier, pour que ce pays soit plus fort que cette pourriture de capitalisme.

Et demander ça, ce n'est pas trop demander ; encore moins à un communiste. Et c'est cela que nous demandons aux communistes, à nos cadres, aux travailleurs, aux femmes, aux paysans, aux étudiants et lycéens, aux jeunes, aux combattants que préside Almeida, et si j'ai omis de mentionner quelqu'un, eh bien qu'il se considère comme mentionné, parce que je n'omets personne : je parle de chaque Cubain (applaudissements). Voilà ce que nous demandons aux communistes à ce cinquième Congrès, en pleine période spéciale.

Et si quelqu'un demande : « Dites donc, quand se termine la Période spéciale ? », il faut lui répondre : « Qu'importe si elle dure toute la vie ! » Oui, certains demandent même ça. Qu'ils aillent donc voir en Haïti et qu'ils demandent quand prend fin leur période spéciale à eux, qui dure depuis au moins deux cents ans.

Je disais que bien des gens dans le monde vivent en période spéciale. Car la pauvreté et le sous-développement que souffrent les pays est une période spéciale permanente, et nous au moins, même si c'est un petit peu chaque fois, nous progresserons jour après jour, année après année, et quand les choses ne peuvent se mesurer en tonnes, nous pouvons les mesurer en qualité : la qualité de l'éducation, la qualité de la santé, et la solidarité et le service aux autres... Donc, face à cette question de la période spéciale, nous devons dire : qu'importe, si je suis capable d'y faire face en faisant preuve d'honneur, de courage, de patriotisme, d'esprit révolutionnaire (applaudissements).

Nous aimerions tous ce que souhaitait Marquitos [Marcos Portal, ministre de l'industrie lourde] au sujet des coupures de courant. Nous sommes parvenus une fois à les éliminer; elles ont refait leur apparition, nous nous battons contre et nous vaincrons. Mais ma conscience ne se sentirait pas tranquille si je vous disais : Écoutez, ça va durer trois ans, quatre ans.

Maceo n'a pas demandé quand se terminait la guerre de Dix Ans. Et quand elle a pris fin – et c'était une vie dure, terriblement dure – il a énormément protesté et il n'a pas tardé à la relancer.

Cette lutte-ci est longue, elle dure depuis longtemps : pour atteindre l'indépendance et pour commencer la Révolution, pour atteindre les conquêtes d'aujourd'hui. Une lutte longue. En tout cas, ce n'est pas là une question qu'un révolutionnaire doit se poser. Ce que doit faire le révolutionnaire, c'est lutter pour développer le pays, pour en finir avec la pauvreté, pour disposer des moyens et des ressources nécessaires pour satisfaire ses besoins matériels et spirituels. Qu'allons-nous faire en effet quand nous aurons de nouveau ce que nous avions avant la période spéciale : nous arrêter, commencer à dépenser ? Non, au contraire, quand nous aurons dépassé la pire étape, il faudra regarder en arrière et ériger un monument à la période spéciale, la remercier des choses qu'elle nous a apprises et des vertus qu'elle a développées en nous, et aller de l'avant. Cette lutte dont je parle n'est pas une lutte d'aujourd'hui simplement, c'est une lutte de toujours, pour toujours aller de l'avant. Et je dis vraiment que nous sommes maintenant bien meilleurs et plus conscients et plus responsables qu'avant, quand nous avions presque de tout.

Notre pays a bien plus de mérites aujourd'hui, notre peuple est plus héroïque, et notre pays n'a jamais grandi autant aux yeux du monde, n'a eu autant de prestige et de gloire, et ce n'est même pas la peine de le démontrer parce que ça se voit tous les jours. Nous ne devons jamais nous laisser troubler, ni provoquer ni ne nous affoler sous le coup de l'impatience.

Nous devons avoir l'impatience au-dedans de nous, le maximum d'impatience, et combiner deux choses : le maximum d'impatience avec le maximum de patience. Que serait notre lutte sans la patience ? Si cette Révolution perdait un jour le calme, perdait la patience et disait : « Cette base yankee, vous devez me la rendre, parce que la terre où elle est installée illégalement est à nous », et lançait la guerre contre l'empire, avec toutes ses armes, avec toute sa haine et toute sa cruauté ! Et de quelle patience n'a pas fait preuve la Révolution en supportant ça ! Mais nous avons toujours pensé qu'il y avait quelque chose de plus important que d'avoir une base à l'intérieur : et c'est d'avoir une Révolution autour de la base (applaudissements). Il faut parfois combiner les deux choses : la patience qui exige du sens de ses responsabilités, de la sagesse, du sang-froid, et l'impatience d'apporter le bien-être à chacun de nos compatriotes sans perdre une seconde, d'aider notre peuple.

Et comment ne serions-nous pas impatients d'apporter le bien-être et le bonheur à notre peuple si nous avons été capables d'en aider d'autres à des milliers de kilomètres de distance ? Je me rappelle quand nos enseignants étaient au Nicaragua, vivant et travaillant dans des conditions que vous avez du mal à vous imaginer : trente mille s'étaient portés volontaires, et quand plusieurs ont été assassinés, cent mille se sont offerts. Les criminels ont tout simplement multiplié cet esprit internationaliste et solidaire.

Nous avons donné notre sang, poussés par notre impatience de voir le monde avancer et de voir s'instaurer la justice et le progrès dans le monde, de voir la liberté dans le monde, de voir la souveraineté des peuples. Ces vertus qui sont évidentes, qui sont tangibles, il faut les employer ici-même, dans cette lutte-ci. C'est un devoir de chaque jour, comme professeur, comme médecin, comme responsable de n'importe quelle tâche, et si quelqu'un se fatigue en chemin, eh bien ne nous décourageons pas, nous. Les coureurs de marathon ne s'arrêtent pas quand un autre tombe ou sort des rangs, ils continuent aussi longtemps qu'ils peuvent et ils arrivent au but. On dit que le premier à avoir couru ces quarante-deux kilomètres et quelque a été quelqu'un de la Grèce antique pour avertir ses compatriotes d'une victoire sur les Perses. Nous devons être des coureurs de marathon et être comme ce premier coureur, nous devons courir pour remporter la victoire, et nous l'annoncerons quand nous l'aurons remportée. Ou plutôt, non, ce ne sera pas la peine de nous l'annoncer, parce que nous sommes absolument convaincus de la remporter (applaudissements).

Je me suis engagé à n'être pas trop long et je dois tenir parole. Je dois ajouter que nous sommes satisfaits, que nous avons fait à ce Congrès des choses raisonnables, correctes, et qui n'étaient pas faciles. Il n'a pas été facile, parmi tant de compañeros si méritants, de confectionner une candidature pour le Comité central. Vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point le travail de tous ceux qui y ont participé et ont donné leur avis a été difficile. Des milliers de compatriotes ont été proposés, parce que des milliers ont les qualités requises pour être membres du Comité central, c'est sûr, et il était difficile de faire un choix, à plus forte raison quand décision a été prise de ramener la quantité de membres de 225 à 150. Tous ceux qui ont donné leurs opinions et leurs impressions avaient des tas de noms en tête, au même moment où les places pour avoir cet honneur et cette responsabilité avaient diminué. La liste des candidats a été considérablement réduite, si bien que le nombre de ceux qui ne pouvaient être réélus a été plus élevé qu'à aucun autre congrès, presque une centaine, contre seulement une cinquantaine de nouvelles candidatures. C'était une rénovation difficile, mais absolument nécessaire. Raúl nous l'a expliquée, et il a même cité des exemples de compañeros qui avaient été membres du Comité central, puis qui avaient cessé de l'être et qui y étaient enfin revenus.

Bien entendu, le communiste ne lutte pas pour des postes ni pour des honneurs, cela coule de source. Il est aussi évident que les communistes se sentent honorés de la reconnaissance que leur prodiguent leurs compañeros, des responsabilités qu'on leur assigne, mais il a fallu réduire la quantité de membres du Comité central, et la situation, je le répète, n'était pas facile.

Pour ceux d'entre nous qui ont plus de responsabilité à la tête du parti, il était bien plus commode et plus facile qu'il y ait davantage de membres du Comité central et que plus de compañeros reçoivent cet honneur. En fait, comme on l'a expliqué, compte tenu de la quantité de militants et des fonctions du Comité central, je peux vous assurer qu'un Comité central de plus de deux cents membres, 225 ou plus, car c'est le chemin qu'on prenait, devient une multitude, et qu'un Comité central de 150, comme on l'a proposé, est bien plus pratique, plus raisonnable.

Vous savez aussi que nous avons adopté le principe de la cooptation, afin de ne pas avoir à attendre cinq ans pour faire entrer un nouveau membre au Comité central, si on l'estime pertinent. La décision concerne 10% du total, ce qui est relativement réduit, mais permet de régler le problème. N'oubliez pas que le parti a beaucoup de responsabilités, que ce Comité central a beaucoup de travail, que beaucoup de ceux qui y sont ont de grandes responsabilités d'une autre nature dans l'État ou à la défense nationale, et que bien souvent les fonctions du Comité central n'ont pu être occupées à temps complet par des cadres, et c'est là un facteur très important dont il fallait tenir compte.

Il faut aussi tenir compte de la nécessité croissante de faire surgir de nouveaux cadres.

On a signalé le nombre de ceux qui ont été membres du premier Comité central; c'est un chiffre qui se réduit. Vient ensuite la génération intermédiaire, qui a augmenté, elle : Lazo [Esteban Lazo, premier secrétaire du parti à La Havane], qui est déjà un vieux combattant, était étudiant au triomphe de la Révolution et c'est maintenant un cadre qui a des responsabilités énormes dans une ville aussi compliquée que celle-ci. La génération intermédiaire est importante, et les nouvelles générations sont très importantes, même si ces compañeros ne sont pas très connus. Il est impossible évidemment qu'ils aient l'état de services d'Almeida [Juan Almeida, un des commandants historiques], d'Ulises [le général Ulises del Toro] ou de Colomé [le général Colomé Ibarra] ou d'autres compañeros, qui ont commencé plus tôt et voilà bien plus longtemps.

Il faut former des cadres de direction. Vous dites que sans direction, rien ne fonctionne, et le parti non plus. Et les expériences historiques nous apprennent ce qui arrive quand la direction flanche dans une révolution. Je ne vais pas parler de la Révolution française, qui n'a pas duré longtemps – je ne parle pas de son influence et de ses idées, qui se sont répandues en revanche dans le monde entier – et qui a été d'ailleurs une révolution bourgeoise, comme vous le savez, quand celle-ci était progressiste, comme nous l'avons assez appris. Mais on peut parler de la révolution d'Octobre et de ce qui s'y est passé quand la direction a flanché, ou d'autres révolutions. On pourrait même mentionner la Chine, qui est une amie. À un moment donné, elle a connu de très fortes divisions à la tête du pays qui ont eu des conséquences douloureuses, coûteuses.

La révolution cubaine de 1868, comme l'a dit et répété Martí, échoue parce qu'elle se divise, et des problèmes de direction apparaissent aussi pendant la guerre de 1895. C'est donc pour nous un enseignement historique qu'il faille préserver la direction et que la direction ne peut faillir. Le parti ne peut se donner le luxe d'une faille dans sa direction, parce que le prix en serait exorbitant. C'est là une idée clef : nous devons faire en sorte de la garantir sur une longue période historique. À l'époque que nous vivons et compte tenu du long affrontement qui nous opposera à l'impérialisme et au capitalisme, nous ne pouvons renoncer à une direction unie et efficace, car c'est là une idée fondamentale.

Que ce qui s'est passé ces dernières années ne nous arrive jamais ! Que notre Révolution ne puisse jamais être détruite par personne. Que notre parti ne puisse jamais être détruit par personne. Bien entendu, qu'il ne puisse jamais être détruit par l'impérialisme, mais encore moins par nous-mêmes !

Il faut être prévoyant. Et la meilleure prévoyance, ce sont les idées, qui redeviennent le plus important, la conscience des réalités historiques, qui ne doit jamais manquer dans notre parti. Nous avons toujours pris mieux conscience, dès le début, d'année en année, de ces choses-là, comme le prouve le document qui est un résumé politique de l'histoire de notre Révolution et de notre pays.

Nous devons toujours mieux prendre conscience de nos devoirs les plus sacrés, c'est là quelque chose d'imprescriptible, et il nous faut apprendre à nager dans des eaux agités et troubles et avec des tas d'écueils sur le chemin, pour que personne ne puisse jamais nous berner. C'est la conscience des militants, la conscience du parti qui garantit par-dessus tout que cela n'arrivera jamais, et que les efforts et les sacrifices consentis depuis si longtemps, depuis que cette lutte-là a commencé et dont nous fêtons aujourd'hui l'anniversaire, le 10 octobre, et dont a parlé Leal [Eusebio Leal, historien de la ville de La Havane] n'ont pas été vains.

Remarquez bien quel jour nous réfléchissons à toutes ces choses-là : le 10 octobre. Cela donne une idée des sacrifices. Pensez-y tous, prenons-en conscience.

Leal a dit : « Voilà cent dix-neuf ans... », mais il a mal calculé, malgré son inspiration élevée : depuis le 10 octobre 1868, ça fait cent vingt-neuf ans. Cent vingt-neuf ans de luttes et de sacrifices, et que de sang versé ! Rien que la concentration de Weyler a coûté plus de deux cent mille vies !

Peut-on même penser que quelque chose ou quelqu'un vienne détruire tout cet effort, tout ce progrès, toute cette histoire ? Non. Si nous cherchons des vaccins contre le sida et même contre le cancer ou certaines formes de cancer, nous devons nous vacciner contre les plus graves maladies politiques.

La pire maladie, la plus terrible, la plus dramatique qui puisse exister sur le plan politique, social et historique pour notre pays, c'est que la Révolution soit détruite un jour par les révolutionnaires en personne ! Et contre ça, il faut être immunisé à cent pour cent. Le parti doit le garantir, et sa direction est essentielle. Ces sécurités-là, il faut toujours les chercher.

Je disais aux compañeros du Comité central, en leur adressant quelques mots, qu'il fallait prévoir toutes ces choses-là et garantir la continuité de la Révolution. J'ai aussi mentionné l'importance d'avoir un second secrétaire. Les titres que nous avons eus ne sont pas pompeux, tant s'en faut, et cela suffit bien : premier et deuxième secrétaires.

Cela vient du début où on voulait nous éliminer, et moi en premier lieu. Cette préoccupation de garantir la continuité de la Révolution existait dès cette époque-là, et en d'autres circonstances, et c'est tout bien pesé, tout bien médité et bien convaincu des qualités des différents compañeros que j'ai mentionné alors le nom de Raúl.

Il parlait hier de choses de famille. Ça n'a rien à voir avec la famille, vous le savez pertinemment.

La vie m'a prodigué de nombreuses satisfactions, et bien des émotions, et beaucoup de chance, vraiment, et je dis que ça a été une chance pour notre parti, pour notre Révolution et pour moi de pouvoir compter sur un compañero comme Raúl (applaudissements), dont je n'ai pas besoin de signaler les mérites, pas plus que l'expérience, la capacité et la contribution à la Révolution. Il est connu pour son activité inlassable, son travail constant et méthodique dans les forces armées, dans le parti. Oui, c'est une chance de l'avoir.

Mais nous vivons une autre époque. En 1959, en 1960, en 1961, nous n'avions pas à défendre ce que nous devons défendre aujourd'hui. Nous n'avions pas un parti comme le parti actuel, ni une tâche aussi difficile, ni un défi aussi difficile à relever qu'aujourd'hui. Tout ceci est plus important, bien plus important, mais ce ne sont pas les hommes qui peuvent garantir cette tâche. C'est, comme je le disais, le parti, le groupe de direction.

Les hommes, comme individus, vont avoir relativement toujours moins d'importance. Dans les premières années, le rôle d'un dirigeant central de la Révolution avait bien plus d'importance que maintenant, bien entendu, parce qu'il existait encore dans la mentalité des gens l'habitude d'identifier les événements aux individus. Le rôle de l'individu, qui existait effectivement et qui existe, est important. Quand nous n'avions pas la capacité doctrinale d'aujourd'hui, les connaissances politiques d'aujourd'hui, les connaissances de l'histoire, des lois de l'histoire, un individu devenait capital. Les individus continuent toutefois d'avoir de l'importance et le temps passe.

Je disais à certains compañeros qui parlaient de questions de sécurité : « Protégez Raúl plus que moi, parce qu'il lui reste plus de jeunesse, plus d'énergie qu'à moi », et j'ajoutais : « Si j'étais l'impérialisme, je n'essaierai pas de liquider Fidel, mais Raúl », parce que j'ai un certain nombre d'années de plus que lui. J'espère que vous pourrez compter sur lui encore longtemps.

Mais le problème n'est pas Raúl ou Fidel. En général, nous ne montons pas dans le même avion, ni dans le même hélicoptère. Nous prenons certaines mesures pour ne pas risquer tous les jours de voir disparaître en même temps deux cadres historiques, mais il faut vraiment penser plus loin, il faut penser au groupe de direction, aux traditions, aux idées, aux principes, et il faut le garantir quand Fidel et Raúl ne seront plus là. Nous serions vraiment des irresponsables imprévoyants de ne pas penser à ça.

Les impérialistes ne sont pas parvenus à nous éliminer. C'est en partie une question de chance. Ils nous ont eus dans la ligne de mire un certain nombre de fois. Mais c'est aussi une question de force morale. Bien souvent, les mercenaires prennent peur et renoncent. Oui, nous avons eu de la chance. Ça n'a rien à voir avec nous, c'est une question de hasard, qui dépend même parfois de l'origine de chaque être humain. La naissance d'un individu, avec ses caractéristiques particulières et génétiques, est un hasard extraordinaire, une possibilité entre des millions et des millions de possibilités différentes.

Les faveurs du hasard ne constituent un mérite pour personne. Combien de compañeros sont tombés dans la lutte sans voir le triomphe de la Révolution ? Nous avons eu la chance de le voir et de participer à la lutte de longues années durant. Le hasard nous a délivrés d'on ne sait combien de dangers. Ça a vraiment été un privilège de la vie – et non pour la vie en soi, aussi brève qu'une étoile filante et qui ne vaut que par le bien qu'on peut y faire à une seconde de l'histoire – d'avoir lutté aux côtés de notre peuple pour les choses pour lesquelles nous avons lutté, d'avoir œuvré avec tant de compañeros extraordinaires et d'avoir vu en grande partie les nobles fruits de cette lutte-là.

Il y a eu des étapes historiques où le hasard ne nous a pas aidés, comme en 1868, comme en 1895 : les principaux dirigeants tués, la république occupée par les envahisseurs yankees, tout ce qui s'est passé durant la néo-colonie et pendant la révolution de 1933, des circonstances où il a été impossible de garantir la continuité, d'accumuler de longues années d'expérience révolutionnaire, de créer les institutions que nous avons aujourd'hui.

Il faut dire tout ceci au parti, parce que la vie et tout ce qui s'est passé ailleurs de si dramatique nous l'ont appris, et il nous faut jurer que ceci ne se passera jamais dans notre pays, et c'est notre parti qui doit le jurer, notre parti ! (applaudissements.) Nous devons garantir que les cadres du Bureau politique et du Comité central aient cette conviction, cette idée et cet engagement permanent.

Le fait que vous ayez choisi les membres du Comité central ne signifie que vous ayez choisi des compañeros parfaits. Vous avez fait, compte tenu des circonstances, du mieux possible, mais nous sommes des êtres humains et nous avons des défauts, et nous devons nous réviser constamment. Nous n'avons pas le droit, aucun de nous, d'être contents de nous et nous devons avoir à l'esprit que nos mérites, nos connaissances, nos vertus ne sont pas suffisants, et ceci jour après jour, jusqu'au dernier jour, et nous efforcer d'être meilleurs, de connaître plus, de cultiver nos vertus, de lutter contre toute faiblesse, contre toute tendance à la suffisance, à la vanité et, chez les plus jeunes que nous, toute tendance à l'ambition personnelle.

C'est une espèce de vœu de pureté ou de renoncement que doit prononcer chaque cadre du parti ; le désintéressement, la générosité, l'idée de l'unité, l'idée que nous, les hommes, nous céderons toujours plus dans notre rôle, dans nos fonctions, face à la tâche et à l'effort collectifs. Cela est capital, et je vous le dis, absolument convaincu, à vous qui représentez notre parti, aux compañeros qui ont été élus dirigeants.

Les compañeros du Comité central m'ont fait l'honneur, soutenus par vous, de me réélire à ce poste. Je l'accepte parce qu'aucun révolutionnaire ne peut renoncer au devoir que le parti lui assigne (applaudissements), parce qu'aucun de nous n'a le droit de se fatiguer ni de se reposer, qu'aucun de nous n'a le droit de cesser de lutter jusqu'à la dernière seconde, à plus forte raison à un moment pareil, et ce depuis n'importe quel poste.

Nous avons ici l'exemple de Carlos Rafael [Carlos Rafael Rodríguez, un des dirigeants historiques] (applaudissements), qui, malgré ses difficultés physiques et de ses difficultés à travailler, n'a pas manqué une seule séance. Il a encore une grande lucidité mentale, mais il a du mal à faire le travail quotidien. Le parti le maintient parmi les membres du Comité central et vous l'avez élu.

Aussi, si nous voulons mériter ce titre de communiste, nous devons toujours être prêts à lutter jusqu'au bout, quelle que soit notre tâche.

Vous m'avez de nouveau confié cette responsabilité et si je peux l'assumer aujourd'hui, c'est tout simplement parce que notre parti a formé de nombreux cadres, et des cadres capables, parce que le travail est bien plus réparti et parce que beaucoup de compañeros s'occupent de la Révolution, du parti et du pays. Ma tâche est donc bien plus simple.

Bien entendu, les ennemis, les Yankees, ne serait-ce que pour trouver un prétexte de se sentir heureux, se réjouiraient beaucoup de ce que le parti ne puisse plus compter sur l'un de ses plus vieux militants. En tout cas, ce n'est pas quelque chose qui m'importe ou me préoccupe personnellement. Je vous ai dit le premier jour l'idée que je me faisais de la vie, de la mort et de l'importance essentielle des idées. Nous savons ce que valent les idées pour lesquelles nous avons lutté, et qu'elles ont la vie dure, et je comprends, je vous l'ai dit, le rôle relatif des hommes.

Le moment difficile que nous vivons exige les efforts partagés de tous. Au début, c'est vrai, je devais m'occuper personnellement de beaucoup de choses. Je n'arrêtais pas de sillonner le pays d'un bout à l'autre et de participer à des tas d'activités. Aujourd'hui, c'est le parti, son appareil, ses cadres au Comité central, les cadres révolutionnaires dans l'État, au gouvernement, à l'Assemblée nationale, dans les provinces – dont une forte représentation se trouve au Bureau politique – dans les pouvoirs populaires municipaux et partout qui rendent possible ma modeste contribution.

Il est difficile que quelqu'un ait reçu plus d'honneurs que ce que j'ai reçus de ce peuple (applaudissements), que quelqu'un puisse avoir plus de satisfactions personnelles, être obligé à plus de gratitude, tout comme il est difficile que la foi, la confiance que j'ai toujours eues dans les idées justes et dans le peuple cubain cessent de grandir de jour en jour.

Je suis conscient de l'engagement historique du parti, je suis conscient des choses qu'il faut prévoir, et c'est pourquoi je pense à la nécessité inéluctable d'être exigeants avec nos cadres, avec tous les cadres, mais en particulier avec ceux du parti.

Nous devons ériger une montagne d'acier contre laquelle tout se brisera; nous devons développer un parti d'acier; nous devons assurer la survie de notre Révolution contre toute déviation, contre tout danger, externe ou interne, aujourd'hui, demain et toujours. Il me semble que c'est là l'idée-force, le message que je veux vous transmettre aujourd'hui.

Notre Bureau en particulier doit être exigeant envers soi-même, très exigeant, et notre Comité central, aussi, et notre parti doit l'être envers nous, envers tous les cadres et tous les hommes et toutes les femmes qui font partie de ses rangs héroïques.

La Révolution et l'histoire seront très exigeants envers le parti, bien que Révolution et parti ne fassent qu'un aujourd'hui. Ils devront aussi exigeants envers l'État et l'administration.

J'espère que ces idées, vous les conserverez aussi longtemps possible, et notamment deux d'entre elles : d'abord, celle qui a à voir avec les prochaines années, je l'ai bien expliquée, convertir l'exceptionnel en règle; ensuite, garantir l'unité, les principes, les idéaux, les conditions qui préserveront toujours notre Révolution.

Je n'ai pas grand-chose de plus à dire, ce n'est pas la peine de donner des exemples parce que je sais que vous comprenez ce que je dis et vous pensez pareil que moi, et que vous aurez eu les mêmes préoccupations que moi, et qu'il ne passera jamais à notre Révolution ce qui est arrivé à d'autres, à des époques antérieures et dans les temps modernes, et que notre peuple, notre Révolution et notre parti parviendront à réaliser l'immense prouesse historique, non seulement de vaincre l'empire dans le domaine des idées, non seulement de déjouer ses plans de destruction, mais encore de garantir une Révolution qui s'inspire des objectifs les plus nobles et les plus humains, qui ne s'arrêtera jamais, que personne ne puisse détruire; une Révolution et un parti qui se garantissent eux-mêmes pour accomplir leurs devoirs maintenant et à l'avenir.

Peu importe les adversités, les problèmes, le réchauffement de l'atmosphère. Nous nous réchaufferons nous aussi et nos moteurs s'échaufferont. Peu importe les cyclones, les tempêtes, la Tempête du siècle ou les ouragans comme celui qui nous a frappés récemment. Nous avons confiance dans les ressources dont nous disposons, notamment l'intelligence et l'éducation de notre peuple, ses connaissances scientifiques croissantes et aussi les ressources naturelles connues ou à connaître.

Aujourd'hui, nous dépensons presque tout en combustibles. D'autres ont découvert des mers de pétrole, mais pas nous, même si les perspectives sont meilleures. Je ne sais si vous vous êtes rendu compte de cette idée d'une centrale de cent mille kilowatts fonctionnant à partir du gaz, ce gaz qui se perd dans l'atmosphère et qui pollue en quelque sorte une zone aussi importante que celle-là. C'est une idée vraiment intéressante. Nous allons le transformer en lumière, en hygiène environnementale, nous allons éliminer ce gaz de l'atmosphère que nous respirons et que respirent nos visiteurs. Et les perspectives sont la découverte de plus grandes quantités.

Mais le plus important, c'est que des sociétés ayant beaucoup d'expérience dans les études sismiques, géophysiques et autres et utilisant des équipements très modernes ont découvert des structures géologiques plus prometteuses que celles que nous connaissions à ce jour. Attention, ce n'est pas quelque chose sur lequel nous comptons pour l'instant, mais le fait est que nous connaissons bien mieux notre géologie et qu'il est possible de faire des recherches avec de meilleures perspectives. Il existe des zones importantes où explorer et forer.

La terre est une énorme ressource naturelle, et on a démontré ici avec des chiffres ce que peut donner un hectare en aliments, en produits d'exportation et de consommation, en devises. C'est comme si nous pouvions multiplier plusieurs fois la surface de notre patrie, simplement en faisant du bon travail, un meilleur travail, et en appliquant rigoureusement les connaissances techniques.

Les capacités sont inférieures et les coûts des sucreries et de leurs équipements de récolte et de transport sont supérieurs quand ils ne travaillent que trois mois, et non les cinq que notre climat permet parfaitement, à la production de sucre, de bagasse, d'électricité et d'autres dérivés utiles. On pourra compter dorénavant sur les équipements d'automatisation et de contrôle du procès de production, déjà testés, qui se fabriquent dans le pays à des coûts très faibles et qu'on est en train d'installer dans de nombreuses sucreries pour garantir le maximum de rendement et d'efficacité industriels. Ce qu'il faut maintenant, c'est la canne. Toute la canne nécessaire.

Dans l'ensemble de choses dont on a discuté ici aujourd'hui, ce qu'on a expliqué au sujet de la recherche de solutions au problème électrique a été vraiment éclairant.

Je n'ai pas non plus de doute que nous parviendrons aux cent mille tonnes annuelles de nickel et de cobalt à une époque pas si éloignée.

Les ressources humaines, bien organisées, combien peuvent-elles nous apporter ? Les connaissances que nous avons, combien peuvent-elles offrir et produire ? La bonne volonté des travailleurs, l'enthousiasme avec lequel ils soutiennent toutes les tâches de la Révolution, combien peuvent-ils contribuer au progrès de notre patrie et à la solution des problèmes et des difficultés les plus pressants ?

Et s'il s'agit de chercher des ressources, eh ! bien, nous cherchons même de l'or et n'importe quel autre minerai, avec la coopération de certains partenaires étrangers et des technologies modernes, et on atteint des résultats favorables.

On consacre au tourisme des efforts importants et toutes les ressources nécessaires. Ce domaine apparaît comme une source inépuisable de ressources pour obtenir des devises.

Nos plages incomparables sont là, et notre soleil, et notre air et la beauté de nos paysages, et l'on construit des hôtels et d'autres installations à un rythme croissant. Nous sommes en train d'apprendre tout ce qu'il est possible d'apprendre dans ce domaine en matière de commercialisation, d'exploitation d'hôtels et d'activités de loisirs sains. Nous prenons de l'expérience dans tous les domaines, et l'ennemi le sait, et c'est pourquoi il veut faire fuir les touristes potentiels qui sont très nombreux. Nous gagnerons cette bataille, tout comme nous en avons gagné bien d'autres.

Il y a aussi une source considérable dans les industries créées par les mains laborieuses de notre peuple, par ses collectivités dévouées de travailleurs, dans les centres scientifiques.

Nous lutterons contre les déprédateurs, contre les maladies, contre les saboteurs, contre le terrorisme.

Nous récupérerons les devises dont nous avons besoin pour acheter des aliments, des médicaments, des livres, des vêtements, des chaussures, des matières premières et bien d'autres produits que demandent nos enfants, nos malades, nos personnes âgées et tout notre peuple pour vivre, pour assurer son bien-être et se développer.

Nous avons parlé avec beaucoup de sincérité des problèmes, personne ne peut contester l'honnêteté et la franchise avec lesquelles tous ceux qui ont pu le faire se sont exprimés, et nous constatons qu'il y a beaucoup de possibilités.

Je clôture ce Congrès plus convaincu que jamais. Et il fallait avoir des convictions fortes quand nous nous sommes tous décidés à sauver la patrie, la Révolution et le socialisme, et à lutter sans camp socialiste et sans URSS, et à défendre nos idées quand certains qui avaient été communistes ont commencé à jurer un peu partout qu'ils ne l'avaient pas été, ou qu'ils se repentaient, et qu'un bon nombre ont abjuré leurs idées.

Nous, nous nous sommes confortés dans ces idées-là (applaudissements), et la vie et l'histoire sont en train de nous donner raison et nous confortent dans nos convictions.

Je peux dire à titre personnel – bien que je sois sûr que c'est là l'état d'esprit et les sentiments de chacun de vous – que je sors de ce congrès avec plus de certitude que jamais que nous suivons la bonne voie (applaudissements), avec plus de certitude que jamais que notre peuple préservera ce qu'il aime le plus, les intérêts qui lui sont les plus sacrés, que notre peuple conquerra une place importante dans l'histoire (applaudissements), cette histoire où le Che marche devant comme un symbole, comme un porte-drapeau, comme un prophète du meilleur avenir de l'humanité (applaudissements).

Et c'est fort de cette conviction que je dis aujourd'hui plus que jamais :

Le socialisme ou la mort !

La Patrie ou la mort !

Nous vaincrons ! (Ovation.)

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